Débutons cette Breaking (RE)NEWS avec la 28ème Conférence des Parties sur le Climat de l’ONU (COP 28) qui, cela n’aura échappé à personne au vu de la couverture médiatique massive qu’elle engendre, se déroulera du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis. Elle n’a pas débuté mais l’on évoque déjà, dans les gazettes, ses conclusions, qui s’annoncent un brin déceptives. La magie des documents de travail… L’un des éléments qui sera scruté pour juger d’éventuelles avancées est paradoxalement un retour vers le passé, avec le premier bilan mondial de l’action climatique depuis les Accords de Paris, qui devra être approuvé par les États membres à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, conformément aux dits Accords. Une large majorité devrait être trouvée pour affirmer que… le monde n’est pas sur la bonne trajectoire. « La fenêtre se rétrécit rapidement pour (…) limiter le réchauffement à 1,5°C », écrivent les auteurs du pré-rapport. L’idée est bien sûr d’aller au-delà de ce constat pour identifier les voies et moyens de rectifier la trajectoire. « Le succès du bilan mondial déterminera en fin de compte le succès de la COP28. C’est le moment décisif de cette année, de cette COP et, comme il s’agit de l’un des deux seuls bilans de cette décennie décisive d’action climatique, il sera déterminant pour la réalisation ou non de nos objectifs pour 2030 », insiste Simon Stiell, secrétaire exécutif des Nations unies pour le changement climatique. Et c’est là que les problèmes commencent, car pour l’instant, il n’y a pas de consensus sur les réponses à apporter. Selon un rapport de synthèse qui recense les positions des 197 parties, il ressort certes que « de nombreuses parties » sont favorables à des objectifs collectifs en termes d’énergie renouvelable ou de développement des véhicules électriques et soulignent que la sortie des énergies fossiles est « vitale pour des transitions énergétiques justes vers la neutralité carbone ». Mais pas toutes. En particulier les grands exportateurs d’énergie fossile, dont l’hôte de la COP, se refusent obstinément à nommer « le mal ». En réalité, alors que les États dont les plans climatiques n’étaient pas alignés sur l’Accord de Paris s’étaient engagés à en présenter de nouveaux cette année, seuls les Émirats Arabes Unis et le Brésil l’ont fait…
En attendant, un petit rappel s’impose. Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, l’humanité n’a plus que 500 gigatonnes de CO₂e à émettre, selon le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). C’est notre « budget carbone ». Et l’enquête passionnante du quotidien Le Monde accompagné de deux ONGs sur les « bombes carbone » nous indique notamment qu’au total, si l’ensemble des 422 bombes aujourd’hui identifiées est entièrement exploité, 1 182 gigatonnes de CO₂e seront libérées dans l’atmosphère. Cela représente plus de 675 milliards d’allers-retours Paris-New York en avion. Et plus de deux fois la limite indiquée par le GIEC si l’on souhaitait vraiment atteindre les objectifs des Accords de Paris…
L’occasion d’une forme de cocorico puisque TotalEnergies est le deuxième groupe mondial le plus impliqué dans ces « bombes carbone ». Il est lié à 23 sites d’extraction, dont le plus important est North Field, au Qatar, dont le potentiel d’émissions est d’environ 12 gigatonnes de CO₂e à lui seul.
Mais au fait, comment ces entreprises font-elles pour trouver leurs financements, alors que les banques s’engagent toutes, les unes après les autres, dans le renoncement au financement de l’extraction des énergies fossiles, rapports RSE auto-élogieux à la clef ? Facile : seulement 3% environ de leurs prêts sont concernés par ces promesses… Car si ces banques renoncent effectivement au « financement direct par projet », elles poursuivent voire accroissent toujours leur « financement corporate », soit plus de 95% de leurs engagements financiers vis-à-vis de ces entreprises. Là aussi, petit cocorico français : dans le top 10 de ces financeurs, on retrouve plusieurs banques mondiales de premier plan, dont BNP Paribas (cinquième mondiale) et Crédit agricole. Ainsi en 2022, BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale et BPCE/Natixis ont contribué à financer 11 entreprises exploitant de vastes gisements de pétrole, gaz et charbon, pour 17 milliards d’euros.
Pour rester dans le « pré-Cop 28 » et débuter nos rubriques hebdomadaires, poursuivons avec l’appel de la semaine, signé par les organisations internationales de santé, qui représentent 46,3 millions de professionnels de santé à travers le monde. Dans une lettre adressée mercredi au président de la COP 28, ils réclament une transition énergétique juste pour « sauver des vies ». L’accord de Paris avait consacré le « droit à la santé » comme une part fondamentale de l’action climatique. Pour rappel, on estime que la pollution de l’air provoque déjà à elle seule plus de 7 millions de morts prématurés chaque année dans le monde. Ces professionnels de santé publique ne d’ailleurs sont pas les seuls à vouloir peser dans les débats. Samedi 28 octobre, à l’occasion d’une conférence de l’Organisation mondiale des médecins généralistes, 39 organismes (porte-voix de plus de trois millions de médecins à l’échelle mondiale) ont demandé solennellement aux gouvernements « d’agir maintenant face à l’urgence climatique pour préserver la santé des populations mondiales ». Recommandant eux aussi de « mettre fin » en priorité à la « prolifération » des combustibles fossiles. Et trois jours plus tôt, rappelle Libération, ce sont plus de 200 revues médicales qui ont simultanément publié une même tribune pour appeler l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à faire de la crise climatique une « urgence de santé publique de portée internationale » (USPPI). « L’urgence environnementale globale est aujourd’hui si grave qu’elle constitue une urgence sanitaire mondiale », peut-on lire dans le texte, rédigé par des universitaires et publié notamment par le British Medical Journal.
Toujours dans notre série « pré-Cop 28 », le chiffre de la semaine nous est proposé par le PNUD : les sommes nécessaires pour s’adapter au réchauffement climatique sont « dix à dix-huit fois plus importantes » que les flux financiers publics actuels ». Le Programme des Nations unies pour l’environnement estime que les coûts du dérèglement climatique et les besoins de financement pour préparer les sociétés des pays en développement sont compris entre 203 et 365 milliards d’euros par an au cours de cette décennie. Nous en sommes donc loin, très loin, note Le Monde, alors que Libération précise : non seulement les efforts sont insuffisants, mais ils ralentissent !
Enfin, pour clore cette plantureuse séquence « pré COP 28 », les risques de la semaine, ou plutôt de l’année, sont présentés par Axa Future Risks Report, édition 2023. Le premier assureur mondial a sondé plus de 3 500 experts en risques dans 50 pays et 20 000 personnes de 15 pays. Depuis 2015, le changement climatique est à la première place du classement – hormis en 2020 où la pandémie lui a logiquement volé la vedette. En 2023, il devient aussi pour la première fois, la première menace du point de vue du grand public dans toutes les zones géographies étudiées. Autres sujets de préoccupations majeures : la cybersécurité, suivie de près par l’instabilité géopolitique et l’intelligence artificielle avec l’émergence de l’IA générative et de ChatGPT. La méfiance est telle que 64% des experts et 70% du grand public estiment nécessaire d’interrompre la recherche sur l’IA et sur d’autres technologies disruptives. Le rapport fait aussi un sort particulier à la question du greenwashing : alors que depuis des années les entreprises le craignent, c’est désormais le « greenblushing », l’éco-embarras qui pourrait prendre le dessus : « Des entreprises évitent de communiquer sur leurs activités ESG dans l’espoir d’éviter le retour de bâton observé l’an dernier aux États-Unis, où certains États avaient décidé de se désengager de société mettant en avant leur leadership en matière ESG », lit-on dans le rapport. « Prises en étau entre deux camps adverses, les entreprises ont parfois du mal à décider lequel, du greewashing au greenblushing, sert au mieux leurs intérêts ».
Le « plan de la semaine » concerne les pesticides et l’on aimerait croire qu’il atteindra bien, cette fois, ses objectifs. Le plan Ecophyto 2030 a été présenté par le gouvernement et il réaffirme l’objectif de baisse de 50 % de l’utilisation des pesticides, d’ici la fin de la décennie. Le doute vient de ce que les plans Ecophyto précédents avaient le même objectif et que l’utilisation des pesticides continue, bon an mal an, de progresser…
A ce propos, la démarche judiciaire de la semaine est lancée par une trentaine de communes du Rhône, qui ont déposé une plainte collective pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « écocide », à cause des « concentrations alarmantes » de PFAS (les fameux « polluants éternels ») dans la vallée de la Chimie. Les groupes industriels Arkema et Daikin sont mis en cause .
L’épais rapport de la semaine nous est justement présenté par la FAO (Food and Agriculture Organization). Impacts sur la santé, malnutrition, pauvreté, perte de productivité, déforestation, consommation d’eau, émissions de gaz à effet de serre… L’alimentation entraîne des coûts cachés considérables, que la FAO chiffre, dans un rapport publié lundi dernier, à au moins 10 000 milliards de dollars par an (9 300 milliards d’euros), soit 10 % du produit intérieur brut (PIB) mondial ! Une estimation qu’elle juge elle-même minimale, car l’agence n’a pas pu chiffrer les coûts de l’utilisation des pesticides ou de l’antibiorésistance…
Et puisque on parle alimentation, les légumineuses de la semaine sont les haricots rouges, flageolets, lentilles, pois cassés et autres pois chiches. Car ces légumineuses sont parées de presque toutes les vertus ! Ces légumes secs dont les graines sont contenues dans des gousses n’ont pas toujours la cote. Et pourtant, « le développement de leurs cultures et de leur consommation aurait des bienfaits à la fois pour notre santé, celle des animaux, celles des écosystèmes et celles de la planète Terre ». Pour tout savoir sur les légumineuses et leurs bienfaits, lisez le dossier qu’y consacre The Conversation.
La tribune de la semaine nous est proposée par Maud Hardy, Directrice Générale de Refashion, l’éco-organisme financé par la filière habillement et chargé de la fin de vie des produits textiles et elle concerne l’économie circulaire dans le secteur textile, sujet qui nous est cher. Elle appelle notamment à « remédier à l’exportation des fripes européennes vers des pays tiers ». Réglementation, traçabilité, sobriété, écodesign et recyclage, les moyens existent déjà pour y parvenir.
Pour continuer dans la veine circulaire, le recyclage de la semaine concerne les plastiques et un reportage de Libération à Clermont-Ferrand, où l’entreprise Carbios « digère le plastique », comme le dit joliment Libération. L’entreprise spécialisée dans la chimie biologique veut dépolymériser l’équivalent d’environ 3,2 millions de bouteilles en plastique ou 4 millions de barquettes alimentaires par an dans son usine de démonstration. Et s’attaque désormais au plastique contenu dans le textile. Patagonia, On, Puma, PVH et Salomon collaborent déjà avec Carbios dans un consortium textile.
La pièce de doctrine philosophique de la semaine concerne bien nos sujets, vous n’avez pas été transporté sur une autre page par un navigateur internet distrait 😉. Il s’agit de « Trouver du nouveau (pour) sortir de l’impasse climatique », rédigée par le philosophe Pierre Charbonnier, également chargé de recherche CNRS à Sciences-Po. Avec une bonne nouvelle : selon lui, « l’une des choses les plus surprenantes à propos de la question climatique et écologique est qu’il n’y a plus aucune difficulté à imaginer un monde décarboné, un monde dans lequel l’organisation socio-économique relâche sa pression sur les milieux tout en assurant une vie digne au plus grand nombre ». En d’autres termes, « il n’y a pas d’impasse climatique. Mais l’idée qu’elle existerait produit des effets qui empêchent toute politique décisive en faveur de la transition. » Une démonstration rafraichissante, dont la lecture est fortement recommandée.
Le film à voir cette semaine, avec ou sans vos enfants, est la nouvelle fable écologique de Miyazaki, « Le garçon et le héron », surtout si vous vous intéressez à la biodiversité -mais nous n’allons pas « spoiler », comme on dit en français. Allez-y les yeux…ouverts 😊
La photographie de la semaine a été prise par Mustafah Abdulaziz. Depuis dix ans, le photographe américain documente les bouleversements provoqués par le réchauffement climatique. Entre glaciers déclinants et décors industriels, sa série « Artic », consacrée au pôle Nord, rend tangible le spectacle d’un monde engagé sur la mauvaise voie. Le Monde en a publié un portfolio, lui donnant l’occasion d’un jeu de mots d’humour bien noir, « l’horreur boréale ». Ici, il s’agit de la mine de fer dominant la ville de Kiruna, dans l’Arctique suédois. En janvier 2023, un important gisement de terres rares (celles indispensables à la transition énergétique…) y a été découvert. La commune entière est en train d’être déplacée.
La devinette de la semaine dernière était une simple date dans le calendrier : le 21 octobre, qui est la Journée Mondiale de… quoi ? L’indice : Darwin n’y est pas étranger. Et pour cause, le 21 octobre, ce sont les vers de terre qui sont à l’honneur ! Une occasion de rappeler pourquoi il faut les préserver : voilà près de 150 ans, Charles Darwin faisait leur éloge, peu avant de mourir (il n’y a pas de lien 😊). Menacés notamment par le glyphosate, ces animaux ont une importance capitale pour les cultures et la fertilité des terres.
La devinette de cette semaine tient à un chiffre : 38 tonnes en quatre heures. Un indice : pour trouver la réponse, il va vous falloir courir longtemps !