Débutons cette Breaking (RE)NEWS avec la suite du sujet évoqué la semaine dernière : le projet de règlement européen concernant les emballages et déchets d’emballage, toujours vivant ! On en rappelle l’enjeu : renforcer les « 3 R » (Réduire, Réemployer, Recycler) dans un secteur responsable de 40% des déchets plastiques et de 50% du volume des déchets ménagers. Cela s’est joué à peu de voix, mais la Commission environnement du Parlement européen a voté cette semaine in extremis un compromis, dans la grande tradition communautaire. Il devra être confirmé en plénière en novembre. En substance, le compromis prévoit notamment qu’un distributeur final qui vend des boissons devra s’assurer qu’à partir de 2030 au moins 20% de ces produits soient disponibles dans des emballages réutilisables, dans le cadre d’un système de réemploi (10% pour l’alcool -vins exceptés). Il exempte les entreprises de moins de 10 employés, et abandonne l’idée d’introduire un tel système pour la vente de repas à emporter dans l’hôtellerie, la restauration et les cafés, ce qui est un recul en regard de la proposition initiale de la Commission Européenne. Mais sur d’autres points, le Parlement rehausse l’ambition. Le texte initial prévoyait des objectifs chiffrés de réduction des déchets d’emballages dans les États membres, les eurodéputés introduisent en plus des objectifs spécifiques pour les déchets plastiques, ainsi qu’une interdiction des sacs plastiques ultrafins. Interdits aussi seront les emballages alimentaires contenant des produits chimiques dit « éternels » (PFAS et bisphénol A). Reste à valider tout cela en plénière, donc, puis à passer devant le Conseil Européen et harmoniser tout cela, début 2024. Espérons que la réglementation européenne finale permettra d’harmoniser les contraintes nationales, permettant ainsi aux marques, on le répète mais le sujet est d’importance, de trouver des solutions valables partout !
A ce propos, il n’est jamais inutile de rappeler pourquoi il faut réduire, réemployer et recycler ? Pour une raison fondamentale : la rareté de la ressource ! Rappelez-vous le slogan un brin impertinent de (RE)SET : « Et la ressource, bordel ?! » Cette semaine ne manque pas d’exemples frappants pour réveiller les esprits de ceux, et ils sont nombreux, qui restent obnubilés par la seule question de la transition énergétique, objet de toutes les attentions gouvernementales, oubliant parfois que la ressource est la mère de toutes les transitions. Pour faire simple, la ressource pose deux problèmes : sa quantité existante, bien sûr, surtout si elle n’est pas renouvelable, mais aussi sa disponibilité effective. Celles-ci dépendent elles-mêmes de facteurs géologiques mais aussi techniques, commerciaux et géopolitiques. Les entreprises doivent donc désormais, pour reprendre les termes de Cécile Cabanis et Géraldine le Meur, respectivement directrice générale adjointe de Tikehau Capital et partner chez FrenchFounders, « prendre en compte, dans la création de valeur, les critères d’exploitation de ressources naturelles (…). Cela passe par « le développement d’une intelligence collective [car] seule une démarche commune est capable de conduire à l’adoption d’un modèle de vie soutenable pour la planète. Le collectif, l’arme fatale des consortiums de (RE)SET !
En attendant, « la guerre des métaux a déjà commencé », nous rappelle Le Point. On serait même tenté d’ajouter « il y a vingt ans », avec des offensives couronnées de succès de la Chine en Afrique, et de la Russie aussi. Deux pays qui ne font pas partie de ceux sur lesquels nos pays et entreprises européennes pourront forcément compter à court, moyen et long terme. D’ailleurs, en Europe, l’importation de métaux critiques de Russie bat encore son plein ces jours-ci. Des chiffres douaniers obtenus par le média en ligne Disclose et repris par l’Usine Nouvelle confirment que l’importation des métaux critiques russes qui ne sont pas sous sanctions – comme le titane, l’aluminium ou le nickel – est loin d’avoir cessé depuis la guerre en Ukraine. L’aéronautique, notamment, s’est ruée sur le titane, anticipant des ruptures de stocks à venir. Côté automobile, les restrictions d’exportations de graphite chinois, actées la semaine dernière, constituent une menace existentielle : la Chine a annoncé limiter ses exportations de graphite de qualité batterie, soumises à un permis à partir de décembre 2023. Sa domination absolue sur ce marché pourrait mettre l’industrie automobile européenne en péril, nous dit encore l’Usine Nouvelle. Qui poursuit avec l’iridium, également sous les feux de la rampe, menacé par le développement de… l’hydrogène vert, comme quoi, la transition, c’est compliqué 😉 Trop gourmand en iridium, l’hydrogène vert aura du mal à grandir. L’iridium, un sous-produit du platine, est indispensables à la fabrication des électrolyseurs PEM, qui permettent la production d’hydrogène vert. Ces électrolyseurs pourraient mobiliser la moitié des ressources connues d’iridium dans le monde, ce qui est un problème. Le platine est l’autre métal critique pour ces électrolyseurs. Et on ne parle pas du nickel, indispensable aussi pour la transition.
Un début de réponse (marginale) pourrait paradoxalement venir – la transition, c’est compliqué, disions-nous ! – du « recyclage » dans le nucléaire : ruthénium, rhodium, palladium, le CEA veut recycler les produits issus de la fission nucléaire. Un projet de recherche de quatre ans vient de débuter, visant l’élaboration d’un procédé de récupération des platinoïdes dans les produits de fission. Mais pour que les métaux critiques récupérés soit valorisés dans le civil, la réglementation actuelle doit évoluer, plaide l’organisme.
Pour débuter nos rubriques hebdomadaires, poursuivons avec « le recyclage balbutiant » de la semaine. C’est celui des bateaux en France : malgré les mesures de l’Union européenne et les efforts des collectivités locales, la filière de déconstruction navale peine à émerger. En cause : son manque de compétitivité face aux pays low cost, peu regardants sur les aspects sociaux et environnementaux, expliquent Les Echos.
Enchaînons avec le « recyclage disruptif » de la semaine. Il concerne les batteries, nerf de la guerre de la transition dans l’automobile. Stellantis et Orano ont annoncé mardi leur intention de créer une coentreprise dans leur recyclage, basée sur une nouvelle technologie qualifiée, donc, de « disruptive ». Cette co-entreprise, précise l’Usine Nouvelle, se concentrera sur le pré-traitement des batteries pour produire de la “black mass” chargée en métaux critiques (on y revient), qui sera ensuite traitée dans l’usine hydrométallurgique qu’Orano souhaite implanter à Dunkerque (Nord). On vous parlera une fois prochaine de la « réparation » des batteries, un autre beau dossier.
Restons dans le « disruptif » avec les innovations de la semaine. Ainsi d’un textile primé à Pollutec, capable de capter et détruire certains polluants et qui pourrait donc servir dans les assainisseurs d’air. Autre innovation potentiellement marquante, un nouveau dispositif de lavage du verre, qui ouvre la voie au réemploi de certains emballages cosmétiques. Chez (RE)SET, on travaille beaucoup sur le réemploi, notamment dans la cosmétique : une somme de défis techniques qui passent en effet par cette étape clef, le lavage et son homologation qualité. Compliqué. Et comme disait Churchill, « si tu traverses l’enfer, ne t’arrête pas » !
Moins disruptive, la solution « pas magique » de la semaine est la réutilisation des eaux usées, selon un rapport des Ministères de la Santé, de l’Agriculture et de la Transition. En cause : son hétérogénéité et donc son coût : « Pour un usage d’irrigation, par exemple, le prix de l’eau réutilisée est ainsi estimé entre 0,8 et 1 euro/m3, au lieu de 0,05 à 0,20 euro/m3 pour de l’eau issue du milieu naturel. » Soit entre quatre fois et 15 fois plus cher ! Il va falloir investir dans les technologies adéquates et le passage « upscale ».
Pour continuer dans l’eau, le mauvais exemple de la semaine nous vient de la commune Puget-Théniers, qui depuis plus de dix ans jetait tranquillement ses déchets et ordures dans le fleuve. Ses deux derniers maires tentent désormais de s’en expliquer devant la justice …
A propos de justice, l’enquête judiciaire de la semaine s’est ouverte aux Pays-Bas et pourrait s’appeler « Dark Waters, saison 2 », puisqu’elle concerne le même protagoniste, le chimiste Dupont (et ici sa filiale Chemours), après le recours collectif de 2400 personnes, et pour les mêmes motifs : les «PFAS», ces polluants éternels, déjà au cœur de l’affaire traitée dans « Dark Waters ». Le Teflon, vous vous souvenez ?
Restons dans la justice avec notre rubrique Total de la semaine qui est, comme souvent, alimentée par Greenpeace. Dans son dernier opus, Greenpeace nous indique que le pétrolier français est actuellement impliqué dans l’élaboration de pas moins de 33 bombes climatiques à travers le monde, joli score.
L’ennemi du climat de la semaine, en dehors de Dupont et de Total (on plaisante), ce sont les SUV : ces véhicules, qui ont la faveur des automobilistes, ont produit 1 milliard de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone à eux tous seuls en 2022 ! L’IEA estime dans son dernier rapport que les SUV sont responsables de la quasi-totalité de l’augmentation continue des émissions dans le secteur automobile ! Petit problème : ils représentent désormais plus d’une vente sur deux de véhicule neuf et leurs versions électriques, moins pires que les thermiques, restent lourdes (voir l’image ci-dessous) et donc, pour reprendre les calculs de l’ADEME, finalement peu convaincantes en regard des véhicules traditionnels, sur l’ensemble de leur cycle de vie… Ils ont donc gagné, selon Le Monde, leur galon « d’ennemis du climat ».
L’épais rapport de la semaine est donc celui de l’AIE, dont la synthèse peut être lue sous deux angles différents et même en apparence opposés, si l’on suit bien les médias français : d’un côté, nous dit Le Monde « la demande en énergies fossiles reste trop élevée pour respecter les l’objectifs de l’ONU », mais de l’autre, lui répond Libération « grâce aux énergies bas carbone, «limiter le réchauffement climatique reste possible», affirme l’Agence internationale de l’énergie.
L’autre (!) rapport de la semaine vous est offert par Data Lab (Ministère de la Transition) et il n’est pas très épais. Il résume en 92 pages illustrées de graphiques éclairants l’état de la connaissance du climat en 2022. 92 pages, c’est beaucoup, penseront les plus jeunes d’entre vous 😉, mais c’est surtout beaucoup moins que les milliers de pages des rapports du GIEC.
La « nouvelle terrifiante » de la semaine, selon les chercheurs, est que quoi que l’on fasse, une partie importante de l’Antarctique va fondre. Les glaces du pôle Sud sont victimes de l’élévation de la température de l’eau. Le mal est déjà fait, nous dit Le Parisien. Ce très sérieux rapport peut être trouvé en suivant ce lien. Dans le même esprit, si l’on ose écrire, l’ONU a identifié cette semaine les « six risques catastrophiques menaçant la planète » aujourd’hui, pour reprendre ses propres termes. Elles sont résumées dans cet article du Monde et ne surprendront aucun lecteur attentif de la Breaking (RE)NEWS.
On sent décidément que la COP 28 se rapproche -c’est dans un mois- avec aussi cet « appel » de la semaine, lancé par 131 entreprises, dont Bayer, Volvo, Decathlon, IKEA, Nestlé… Elles ont appelé dans une déclaration commune lundi les gouvernements à s’attaquer aux énergies fossiles pour respecter l’objectif « ultime » de +1,5°C de réchauffement. Si la pression monte sur les États, les entreprises elles-mêmes sont pointées du doigt pour leur manque d’engagement…
Toujours à propos de la COP 28, la négociation ratée de la semaine entre les Etats est la remise en cause de l’accord de principe trouvé l’année dernière en Egypte au sujet de la création d’un fonds pour compenser les « pertes et dommages » des nations du Sud, vulnérables face au changement climatique.
Pour continuer dans la vision planétaire, le portrait de la semaine est un vert mesureur, pour reprendre le titre très « Libération » de… Libération : Jim Skea, 70 ans depuis septembre, a ajouté cet été le titre de président du GIEC au pied d’un CV déjà rempli par une longue carrière dans le domaine des énergies renouvelables et de la recherche sur le changement climatique. Il n’a pas terminé d’être occupé !
Côté biodiversité, la mauvaise nouvelle de la semaine est que, en dépit de toutes les promesses et engagements solennels, la déforestation continue de progresser dans le monde, en dépit des améliorations au Brésil, selon un rapport d’un groupe d’ONG et de chercheurs que vous pouvez télécharger ici.
La « petite révolution » technocratique de la semaine, comme dit Le Monde , c’est l’apparition d’une sous-direction « climat » à la toute-puissante Direction du Trésor. Une révolution copernicienne pour cette Direction qui de tous temps a assimilé « écologie » et « dépenses publiques ». On vous l’avait dit que le défi de la transition, c’est le financement et l’effet levier de la dépense publique 😊
Le conseil de la semaine qui n’a pas grand-chose à voir mais on vous le donne quand même alors que l’hiver approche : l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) alerte lundi 23 octobre sur les vasoconstricteurs, permettant de désencombrer le nez. « En cas de rhume, évitez les médicaments vasoconstricteurs par voie orale », déconseille l’ANSM dans un communiqué . Elle appelle à ne pas utiliser les comprimés Actifed Rhume, Humex, Rhinadvil, Nurofen Rhume ou encore Dolirhume, contenant de la pseudoéphédrine. L’utilisation de ces médicaments est susceptible de provoquer « des infarctus et des accidents vasculaires cérébraux », prévient l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Pour la directrice « il y a des alternatives non médicamenteuses », estimant que pour un nez bouché, il faut éviter de s’exposer à « des effets indésirables très graves ». Elle recommande notamment d’« humidifier l’intérieur du nez avec des solutions de lavage adaptées : sérum physiologique, sprays d’eau thermale ou d’eau de mer » ou encore de « boire suffisamment ». Petit rappel : un rhume, si vous ne le soignez pas, il disparaît en 7 à 10 jours…
L’application ébouriffante et mal venue de la semaine concerne l’« ultra-fast fashion » : Temu, qui taille des croupières à Shein, une application venue de Chine est en fait un market place permettant d’acheter à des prix très très très bas et ça marche. Le nouveau venu du e-commerce explose tous les classements en Europe et aux États-Unis. Ne cherchez pas sur cette plateforme quelque conscience que ce soit des impératifs de durabilité, il n’y en a pas…
La jolie double négation de la semaine a été prononcée par Christophe Béchut, notre ministre de la Transition, à propos de la tempête Aline qui a ravagé Saint-Martin-Vésubie la semaine dernière : « On ne peut pas dire que le pire est derrière nous», ou comment « ne pas » dire que le pire est devant nous 😉
Dans ce cas, partis comme on est, autant s’en remettre à la chance et préserver la biodiversité en jouant au loto, avec le nouveau jeu de grattage de la semaine, « Mission Nature ». On ironise, mais il n’y a pas que du mauvais, puisque ce ticket va permettre à l’Office français de la biodiversité (OFB) de récolter près de 6 millions d’euros et de financer les 20 projets sélectionnés pour leur lien avec la restauration de la biodiversité, dont un plan de sauvegarde des tortues martiniquaises, la création de forêts anciennes dans le Grand Est ou encore la restauration des zones humides du Mont-Saint-Michel.
La devinette de la semaine dernière était une citation. Qui a dit : « C’est une question politique de savoir si l’on veut − et jusqu’à quel niveau − soit développer les satisfactions immédiates, le niveau de vie, c’est-à-dire l’expansion de la consommation, et sacrifier en conséquence l’avenir (au moins en partie), soit, au contraire, œuvrer en faveur d’avantages futurs, ceux qui résultent à terme d’un accroissement présent des investissements, et sacrifier (au moins en partie) le présent. » L’indice était que ni l’auteur de ces lignes ni Jancovici n’étaient nés ! De fait, cette citation est extraite d’un cours de Pierre Mendes France en 1950, pour ses étudiants de la récemment créée Ecole Nationale d’Administration. Le contexte était donc le Plan Marshall et la reconstruction de la France. La problématique, énoncée il y a 73 ans, résonne parfaitement avec les défis de la transition !
La devinette de la semaine est une simple date dans le calendrier : tous les ans, le 21 octobre est la Journée Mondiale de… quoi ? L’indice : Darwin n’y est pas étranger 😊.