D’entrée, une citation pour lancer la revue « transition » des médias cette semaine : « A priori, personne n’est contre l’engagement climatique, en revanche il y a mille et une façons de mettre la poussière sous le tapis, par exemple en misant massivement sur des solutions de stockage de carbone qui restent encore à inventer ou à améliorer. » Lola Vallejo, directrice du programme climat au sein de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), mettait les pieds dans le plat, mercredi à l’ouverture du « Sommet pour l’Ambition climatique » lancé à l’ONU en guise d’amuse-bouche à son Assemblée Générale annuelle. Les solutions de stockage du carbone ne sont certes pas la réponse globale que l’on cherche toujours, mais on sait tout de même qu’elles feront partie de la solution… C’est toujours compliqué, la transition ! Absents remarqués de ce sommet (pas invités par Antonio Gutterres, Secrétaire Général de l’ONU, selon Le Monde) : les principaux pays émetteurs de carbone au monde, dont la Chine et les Etats-Unis, mais pas l’Union Européenne, qui s’est exprimée.
L’occasion de revenir, avec Novethic, sur la question qui fâche : quels sont les pays qui contribuent le plus au changement climatique ? Tout dépend des indicateurs retenus, comme souvent, mais il semble bien que les Etats-Unis soient en pointe, comme le montre cette illustration très claire, même si « l’effet masse » joue naturellement au détriment de la Chine, qui ouvre par ailleurs l’équivalent de deux grandes centrales à charbon par semaine depuis début 2022…
Le plus problématique pour l’avenir est le dernier point, tiré d’une étude récente de l’organisation Oil Change International (OCI): plus d’un tiers des nouveaux projets pétroliers et gaziers proviennent des Etats-Unis, ce qui en fait le “Planet-Wrecker-in-Chief ”, pour reprendre l’expression imagée de l’OCI [pour les non anglophones, qui ne sont pas forcément les mêmes que les non-latinistes, cette phrase peut se traduire par « Le démolisseur en chef de la planète »]. Une transition parfaite pour évoquer les poursuites (évoquées par le New-York Times) que l’Etat de Californie vient d’engager contre cinq des plus grosses compagnies pétrolières mondiales, pour les ravages climatiques et avoir minimisé les risques des énergies fossiles. La plainte au civil a été déposée auprès de la Cour supérieure de San Francisco contre Exxon Mobil, Shell, BP, ConocoPhillips et Chevron. L’American Petroleum Institute est également visé, ajoute le New York Times. Ces poursuites californiennes sont désormais « les plus importantes » jamais intentées, après déjà plusieurs actions de ce type à travers les Etats-Unis. Sept autres Etats et des dizaines de villes américaines ont déposé des plaintes similaires contre des sociétés productrices de pétrole, gaz et charbon ces dernières années, précise le quotidien. Un motif d’espoir sur ces sujets : l’Agence Internationale sur l’Energie (AIE) publiera bientôt son rapport annuel dans lequel elle annoncera que pour la première fois dans ses prévisions, la consommation de pétrole, de gaz naturel et de charbon va commencer à baisser avant 2030 . Ce qui donnera raison a posteriori, rappelle Le Monde, à l’ancien ministre saoudien du pétrole Ahmed Zaki Yamani, qui en 2000 avait eu cette phrase restée fameuse : « L’âge de pierre ne s’est pas terminé parce que le monde a manqué de pierre, et l’âge du pétrole se terminera bien avant que le monde ne manque de pétrole. » La phrase prenait à rebours la pensée dominante de l’époque, qui se focalisait sur les limites de l’extraction du brut plutôt que sur l’hypothèse d’un ralentissement de la consommation mondiale. Ce qui n’empêche pas l’éditorialiste du Monde de conclure ainsi son article : « trop peu, trop tard ».
Pendant ce temps-là, en France, il n’y pas que le King Charles III et la mâchoire d’Antoine Dupont qui font l’actualité : Elisabeth Borne a présenté en début de semaine le budget de l’Etat consacré au financement de la planification écologique en 2024. Là encore, une bonne illustration vaut 1000 mots, et on trouve celle-ci, d’inspiration marine, sur le compte X (ex-Twitter) de la Première Ministre :
Moins bucolique mais plus fournie en chiffres, une ventilation plus précise des dépenses envisagées peut être lue dans ce tableau du SGPE :
La présentation par la Première Ministre n’a obtenu qu’un succès d’estime auprès des chefs de partis politique, pour le dire poliment. D’autant que l’effet s’est trouvé un peu gâché par les errements de la proposition, lourdement médiatisée elle, de vente à perte des carburants dans la grande distribution. Le sujet de l’essence est compliqué : on en est bien conscient, au gouvernement, depuis les gilets jaunes et, pour tout dire, personne n’a trouvé de solution. Comme souvent dans la transition, il n’y a pas de « solution magique ». Des idées variées doivent être testées, il faut des adaptations, des corrections, des solutions temporaires, en attendant. Mais bon, manifestement pas celle-là ! Cette proposition curieuse, contraire à tous les principes d’une économie libérale, a fait les délices du Figaro et a très rapidement fait l’unanimité contre elle. Réponse claire des géants de la grande distribution : « niet ». L’occasion aussi, pour le patron de TotalEnergies, de faire preuve de son humour sarcastique : « Vous vendez souvent à perte, vous, des produits ? ». D’une petite phrase prononcée au micro de TMC, « Patrick Pouyanné a mis par terre la dernière idée du gouvernement pour lutter contre l’inflation », raconte le quotidien 20 Minutes.
Place à nos rubriques hebdomadaires avec, à tout seigneur, tout honneur, le concept de la semaine, sorti de la bouche du roi Charles III : Sa Majesté a proposé que France et Royaume-Uni s’engagent autour d’une nouvelle « Entente cordiale pour le climat », en référence au texte signé entre le Royaume-Uni et la France en 1904 pour régler leurs divergences historiques. Pour rappel, cette « entente cordiale » s’était plutôt mal terminée, en 1935, avec un nouveau traité naval germano-britannique qui fut une mauvaise surprise pour la France -et on ne parlera pas du Brexit, ni de la Coupe du Monde de rugby ! Souhaitons que celle prônée par le roi Charles III ne se termine pas avec une déconvenue de la même eau, car il souhaite que ce partenariat soit une réponse plus efficace à « l’urgence mondiale en matière de climat et de biodiversité ».
La ressource en péril de la semaine est… l’huile d’olive avec ce titre très Libération : « Huile d’olive, les prix s’envolent, les spéculateurs s’engraissent » 😉Le changement climatique et les conséquences économiques de la guerre en Ukraine font bondir le prix de cet ingrédient central de la cuisine méditerranéenne. Une inflation attisée par la spéculation des géants espagnol et italien, affirme le quotidien.
Le bilan de la semaine concerne le Green Deal européen. On sent que les élections européennes se profilent… L’occasion pour Pascal Canfin, député européen du groupe Renew Europe -dont fait partie Renaissance- et président de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, de défendre la stratégie de la France et de l’Union européenne. Après le Green Deal et ses 75 lois, Pascal Canfin confie à La Tribune qu’un Green Deal 2 est en préparation « pour donner le maximum de visibilité aux entreprises ». La Commission européenne va présenter sa nouvelle stratégie en février, avec la cible 2040. Pour cette deuxième étape, Canfin « prône un choc de financement, notamment par la réforme du pacte de stabilité » (NDLR : autrement dit par le déficit et la dette). L’occasion aussi, pour le député, de diffuser ce bilan illustré et chiffré intéressant sur ce qui a été fait et ce qui reste à faire.
Le vote de la semaine est justement, comme souvent, européen. Il concerne l’interdiction prochaine des allégations environnementales trop vagues. Eurodéputés et Etats membres ont décidé dans la nuit de mardi à mercredi de bannir ces affirmations « génériques », souvent trompeuses, des produits de consommation. Le texte doit encore recevoir le feu vert formel des eurodéputés et des Vingt-Sept avant d’entrer en vigueur, avec un délai de deux ans pour transposition dans le droit des Etats. Et il ne s’agit que d’une première étape avant un second projet de législation plus ambitieux contre l’écoblanchiment ! …
Pour rester peut-être dans le même thème, La vidéo de la semaine est publicitaire et elle est très bien faite mais on est en droit de se demander si elle relève ou non du greenwashing, précisément. Apple a fait fort. Qu’en pensez-vous ? Ecoblanchiment ou transparence ?
La ratification de la semaine prendra plus d’une semaine pour être finalisée 😊. Mais le départ est bon ! En quelques jours, plus de 70 Etats ont déjà franchi le pas, s’engageant à ratifier le traité sur la haute mer. Le texte, ouvert à signature lors de l’Assemblée générale des Nations unies, a pour objectif de protéger 30 % des mers et des terres d’ici à 2030. A l’issue de la première journée de signature, 68 pays avaient signé, et non des moindres puisque l’on y trouve notamment les Etats-Unis, la Chine, l’Union Européenne et l’Australie. Pour rappel, la tenue de la prochaine conférence de l’ONU sur l’océan se tiendra à Nice, en juin 2025.
Le « on y croit » de la semaine concerne le textile et peut être lu dans un reportage du quotidien Les Echos, dont le titre traduit bien le contenu : « Textiles, vers une fabrication moins polluante », qui fait le point sur les dernières et futures innovations espérées en la matière.
La devinette de la semaine dernière s’adressait aux amateurs de LinkedIn (ils sont nombreux !), dont un membre avait publié cette photo ci-dessous, avec un commentaire avisé. De qui s’agissait-il ? L’indice (« cette personne maîtrise particulièrement bien son sujet ! ») a permis à nombre d’entre vous de deviner : oui, c’est bien Valérie Masson-Delmotte elle-même qui commentait ainsi sa propre photo, éloquemment titrée « morituri te salutant » [précision pour les non latinistes : cette citation, « ceux qui vont mourir te saluent » était la phrase prononcée par les gladiateurs pour lancer leurs joutes]
« Il s’agit du glacier Forni, second plus grand glacier des Alpes italiennes, dans le massif du Cevedale (parc national du Stelvio), l’un des glaciers du monde étudié attentivement depuis la fin du 19ème siècle. Dans cette région les glaciers ont perdu 40% de sa surface depuis les années 1950, et ce recul s’est accéléré au cours des derniers 20 ans. L’absence de neige fraîche, la surface sombre (albédo faible) clairement visibles sur cette photo font partie des facteurs qui contribuent à une augmentation de la saison d’ablation et, par un bilan de masse négatif, à cette désintégration des glaciers. »
La devinette de cette semaine porte sur un principe philosophique, pour prendre de la hauteur à la veille du week-end. Pourquoi (RE)SET aurait-elle aimé inventer le raisonnement du « Rasoir d’Ockham » ? Indice : cette photo n’en est pas un !