COP à moitié vide, ou COP à moitié pleine ? Les médias se repaissent de cette interrogation. Encore faut-il savoir de quelle COP parle-t-on… ? Chez (RE)SET, on a un peu parfois l’esprit de contradiction et l’on aime surprendre. Puisque les médias remplissent leurs colonnes de COP 28, remplissons les nôtres de COP 15 😉. La « COP 15 », comme son nom l’indique, est aussi une « Conférences des Parties Prenantes » mais à la différence de sa « grande » sœur, elle ne s’intéresse pas à l’énergie, mais bien à la biodiversité. Le moment est justifié d’en parler car il y a exactement un an, 190 pays s’entendaient, à Montréal, pour signer un accord essentiel, qui prévoit la protection de 30 % des terres et des océans d’ici à 2030 et vingt-deux autres objectifs destinés à réduire la perte de biodiversité. Et lundi dernier, Elisabeth Borne a présenté la version finale de la troisième « stratégie nationale biodiversité » (SNB), dont la réduction constitue, selon elle, « une menace existentielle ». Cette SNB se veut être la déclinaison française de l’accord dit de Kunming-Montréal adopté lors de la COP 15. Attendue depuis deux ans, la SNB sera scrutée de près dans sa mise en application car ses deux précédentes versions n’avaient pas atteint leurs objectifs.
Les mots d’Elisabeth Borne soulignent l’importance du sujet : « L’effondrement de la biodiversité est si fort, si rapide, si généralisé, qu’une sixième extinction menace. (…) En un mot, l’effondrement de la biodiversité est une menace existentielle pour nos sociétés. Nous devons l’endiguer rapidement et inverser la tendance fortement », a-t-elle déclaré en présentant 40 mesures, qui « cherchent une radicalité des résultats sans brutalité » des dispositions retenues. Les mesures, déclinées en axes, sous axes et actions, sont déclinées en fiches, que vous trouverez dans ce document passionnant de 333 pages. L’objectif est bien, comme annoncé à Montréal, la protection effective de 30 % des terres et des mers, la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés et une réduction de moitié de l’utilisation des pesticides. L’échec des deux précédentes SNB, quant au respect des objectifs fixés, est souvent imputé par les observateurs à deux écueils majeurs : notre modèle agricole, basé sur une Politique Agricole Commune (PAC) n’ayant pas encore pleinement réalisé sa « transition » et son pendant : un usage immodéré des pesticides, une addiction dont on a encore vu à Bruxelles ces dernières semaines que l’Europe n’était pas prête à se sevrer… Pour cette troisième SNB, ces deux écueils sont donc toujours là et WWF France n’a pas manqué de le souligner, regrettant l’absence de révision de la (PAC), qui « représente toujours 63 % des subventions dommageables à la biodiversité en France, soit 6,5 milliards d’euros par an ». Réponse de Sarah El Haïry, Secrétaire d’Etat à la Biodiversité : « L’objectif est de supprimer progressivement ces subventions néfastes », ajoutant qu’une « mission » allait être lancée « avec les ministères de l’économie et de l’agriculture » afin de les « réorienter pour accompagner la transition écologique ». Un je-ne-sais-quoi de « déjà vu » 😉 En attendant, si vous voulez tout savoir sur cette SNB 3, nous avons une solution : s’inscrire au prochain webinaire de (RE)SET sur le sujet, qui se tiendra vendredi à 14h30, gratuit et libre d’accès, suivez ce lien !
De la COP 15 à la COP 28, il n’y a qu’un pas que nous franchissons allègrement avec Alain-Richard Donwahi, le Président ivoirien de deux des trois COP imaginées lors du Sommet de Rio (1992). Dans une « tribune » publiée par Le Monde, il juge « urgent d’adopter une approche coordonnée entre changement climatique, perte de biodiversité et désertification ». On y lit que les discussions pour la préservation de la planète, partagées entre les trois COP (le climat, la désertification et la biodiversité) sont trop fragmentées alors qu’étroitement liées. Avec un « effet pervers » : « l’attention, les efforts et les moyens se concentrent essentiellement sur la COP climat au détriment des autres COP qui traitent pourtant d’enjeux tout aussi fondamentaux. » Il le dit mieux que nous, même si chez (RE)SET nous ne manquons jamais de le rappeler : « En séparant les sujets, en fragmentant les discussions et la réflexion, on oublie trop souvent que le changement climatique, la désertification et la réduction de la biodiversité sont étroitement liés. Ils forment un cercle vicieux qui accélère chaque phénomène et en amplifie les effets. Pour lutter efficacement, il est essentiel d’adopter une approche holistique : comprendre les interactions entre chacun de ces phénomènes et dépasser l’urgence et les crises créées par leurs manifestations pour en traiter les causes. »
Cette habile transition nous ramène donc sur la COP 28, la fameuse, avec ce constat : une fois de plus, cette COP prouve la validité de son existence peut-être moins dans son contenu – « des promesses, toujours des promesses » – que dans ce qui l’entoure. Ainsi peut-elle se targuer d’avoir provoqué une révolution copernicienne dans la rédaction du journal de 20 heures de TF1 😊 Un détail, penserez-vous peut-être, mais en fait non : c’est important. Car tout le monde ne lit pas (encore) la Breaking (RE)NEWS ! Pour toucher le grand public, le JT de 20h00 de TF1 reste « un must » et il a souvent été accusé de négliger outrageusement, un peu à la manière du Figaro, les sujets « transition ». Ce n’est plus vrai ! Dans un superbe clip en 3D réalisé avec une pédagogie remarquable et sur une durée « longue » (pour un JT) de 5 minutes, TF1 a pris la mesure du sujet et on l’en félicite ! Si vous cherchiez encore comment expliquer l’effet de serre à vos enfants, ou à vos grands-parents, visionnez cette vidéo. Bon, si la rédaction de TF1 lit cette Breaking (RE)NEWS, elle comprendra que la prochaine étape sera de faire œuvre de la même inventivité pour évoquer la COP 15 ou, mieux encore, le vrai sujet global qui englobe tous les autres : LA RESSOURCE !
« COP » toujours, une bonne nouvelle tout de même : ajoutée à la dernière minute à l’ordre du jour de la session plénière, la concrétisation du fonds sur les pertes et dommages a été adoptée d’entrée par les États. Ce fonds doit aider les pays les plus vulnérables à affronter les dégâts irréversibles du changement climatique. Les pays du Sud le réclamaient depuis trente ans. Il devrait être opérationnel « dans l’année », même si aucun objectif chiffré n’a été donné. Sinon, la COP 28 se termine officiellement le 12 décembre et on ne sait (toujours) pas si un accord sera trouvé pour appeler à la sortie des énergies fossiles, au-delà du seul charbon. Le moment de rappeler, avec ces graphiques que loin de se stabiliser, et donc plus loin encore de régresser, les émissions liées aux énergies fossiles continuent de grimper à un bon rythme… Attention aux effets d’optique : la flamboyante courbe en rouge sur le graphique des Echos représente la Chine, mais si l’on rapporte les émissions au nombre d’habitants, l’Australie ou les Etats-Unis restent loin devant.
Et en attendant, l’observatoire européen Copernicus vient de confirmer que l’année 2023 est déjà assurée, au vu des chiffres de novembre, d’être la plus chaude de l’histoire jamais mesurée.
Pour poursuivre en douceur vers nos rubriques hebdomadaires, la citation de la semaine n’est pas piquée des hannetons, comme on disait il y a longtemps. Qu’on en juge : « Il n’existe aucune science, ni aucun scénario, qui affirme que l’élimination progressive des combustibles fossiles permettra d’atteindre 1,5 degré ». Et on vous le donne en mille (autre formule qui sent un peu la naphtaline), le brillant scientifique auteur de cette phrase est… le Président de la COP 28, Sultan Al Jaber. Un Président de COP 28 ne devrait pas dire cela 😉. Son interlocutrice, Mary Robinson, ancienne Présidente de l’Irlande, en est restée scotchée.
Ce qui nous amène directement au chiffre de la semaine : 2 456 lobbyistes « fossiles » participent à cette COP 28, ce que d’aucuns qualifient de « marée noire ». Ce chiffre a été rendu public par une coalition d’ONGs au nom imagé, « Kick Big Polluters Out ». C’est peu dire que l’ombre des lobbies des énergies fossiles plane sur ces pourparlers, ce qui n’est pas illogique à l’heure où la question de leur sortie se fait de toujours plus pressante. TotalEnergies et tous ses concurrents sont venus en meute défendre ce qu’ils perçoivent être leur intérêt bien compris.
Le véhicule de la semaine qui ne plaît à personne sauf aux conducteurs et aux fabricants automobiles 😊est à nouveau le SUV. Selon Greenpeace, la flambée des ventes de SUV annule les gains climatiques permis par les véhicules électriques. Et pas question pour Greenpeace de concevoir l’usage de SUV électriques, car ces modèles ont une empreinte carbone bien plus élevée que les autres voitures électriques, notamment parce qu’ils demandent davantage d’acier lors de leur production, ce que l’ADEME a déjà souligné dans ses études. De quoi alimenter vos réflexions si vous êtes Parisien(ne) et que vous entendez voter le 4 février lors du référendum organisé par la Ville de Paris « pour » ou « contre » le triplement du prix du parking pour les SUV !
La condamnation de la semaine est un peu répétitive mais on ne s’en lasse pas : le Conseil d’Etat a condamné ainsi l’Etat pour son incapacité à ramener les niveaux de pollution de l’air à Paris et Lyon en conformité avec les limites légales au paiement de deux astreintes de 5 millions d’euros pour les deux semestres allant de juillet 2022 à juillet 2023, en divisant par deux le montant de l’astreinte prononcée par semestre », par rapport à des condamnations antérieures, explique la plus haute juridiction administrative. Ces sommes iront à différentes organisations et institutions. En octobre 2022, le Conseil d’Etat avait déjà condamné l’Etat à payer une astreinte record de 20 millions d’euros.
L’iceberg de la semaine a pour petit nom A23a, et il est gros, très gros : 4 000 kilomètres carrés pour 400 mètres de haut et un bon milliard de tonnes. Bien connu des scientifiques – il a un temps accueilli une station de recherche soviétique – il s’est détaché de l’ouest du continent en 1986 avant de rester bloqué au fond de la mer de Weddell pendant plus de trente ans. D’après de récentes images satellites, il vogue désormais au-delà de la pointe nord de la péninsule antarctique, au gré des vents et de courants violents. La trajectoire de ce glaçon géant, 38 fois la taille de Paris, n’est pas liée au changement climatique mais relève plutôt d’une succession d’évènements naturels, explique au journal Libération la glaciologue Lydie Lescarmontier, directrice des actions Antarctique à l’International Cryosphere Climate Initiative. La spécialiste du pôle Sud, présente à la COP28 à Dubaï pour alerter sur le sort, critique, des régions polaires, observe toutefois une augmentation du nombre d’icebergs spectaculaires en raison du réchauffement climatique d’origine humaine. A votre place, on éviterait les croisières au long cours sur les paquebots de luxe dans les prochaines années 😉
L’innovation ESG de la semaine, ou plutôt de l’année prochain si tout va bien, a été votée par le Parlement Européen et va dans le bon sens. La commission des affaires économiques et monétaires a approuvé un texte qui apporte des changements importants aux règles proposées par Bruxelles pour encadrer les activités de notation environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Pour simplifier, en lieu et place d’une note globale ESG, moyenne des trois lettres, trois notes seraient mises en place, une par lettre. L’idée est bien sûr d’éviter qu’une entreprise fournisse un effort important sur l’un des deux, ou deux des trois, en négligeant totalement le dernier. Et obtienne une note moyenne correcte. Concrètement, aujourd’hui, c’est la partie « E », comme environnement, qui pêche le plus dans les entreprises. L’occasion de rappeler l’exemple classique du monsieur, ou de la dame, dont l’on met les pieds dans le congélateur et la tête dans le four, en estimant que sa température moyenne est acceptable…
L’autre vote européen de la semaine devra être validé en séance plénière mais il est bien parti : l’Union Européenne s’apprête à interdire la destruction de la très grande majorité des vêtements neufs invendus. Une réglementation qui existe déjà en France mais sera donc étendue. Seules les plus petites entreprises seront dispensées.
L’entretien de la semaine nous fait plaisir, chez (RE)SET, car on y retrouve nombre de nos convictions fortes. Interviewée par Le Monde, Anais Voy-Gillis, chercheuse associée à l’Institut d’administration des entreprises de Poitiers, docteure en géographie et spécialiste des questions industrielles affirme ainsi que « (…) la croyance est encore trop forte que l’on va s’en sortir avec quelques aménagements à la marge et en décarbonant l’industrie. Mais la décarbonation ne règle pas tout. Une fois que l’on a décarboné, il reste encore beaucoup de questions à résoudre, comme l’accès aux ressources et aux matières premières. » Elle rappelle également qu’une « activité humaine ou industrielle neutre à 100 %, cela n’existe pas et n’existera pas. Parler d’industrie verte comme de croissance verte n’a guère de sens. Ce qui compte, c’est comment fait-on pour réduire au maximum son impact environnemental, surtout en ce qui concerne les industries dites « lourdes » ? Bon sens et pragmatisme sont les mamelles de la transition 😉.
Le produit (et ses sous-produit) utile de la semaine est le sisal. Des chercheurs de l’université de Stanford ont développé un matériau absorbant à partir de fibres de sisal destiné à être utilisé pour fabriquer les protections hygiéniques. Leur but ? Lutter contre la précarité menstruelle dans les régions aux climats arides et semi-arides notamment en partageant leurs travaux avec les fabricants locaux. On estime que 500 millions de femmes à travers le monde ne peuvent se fournir en produits d’hygiène menstruelle de qualité. Le sisal est une fibre végétale très utilisée dans les revêtements de sol. Contrairement au coton, elle est bon marché et ne nécessite pas beaucoup d’eau pour pousser. Et, à la différence du bois, le sisal est disponible en quantité dans de nombreux pays. Originaire d’Amérique centrale, la plante est aussi cultivée en Afrique, en particulier dans la partie est du continent, et dans d’autres régions du monde aux climats arides ou semi-arides.
La petite bête de la semaine qui ne va finalement peut-être pas disparaître est le kiwi (l’oiseau, pas le fruit). En témoigne la naissance pour la première fois depuis près d’un siècle à l’état sauvage de deux de ses représentants, près de la capitale de la Nouvelle Zélande 😊
La pas-toujours-petite bête de la semaine que l’on devrait plus apprécier à sa juste valeur est la chauve-souris ! Bijou high-tech, éventuellement câline selon les experts, elle apporte surtout une réponse naturelle à la prolifération des moustiques et autres hannetons qui peuvent porter préjudice respectivement à nos nuits et à nos agricultures. En revanche, elles ont besoin d’attention : stressées, elles sont de parfaits véhicules pour nombre de virus. Donc soyez gentil(le)s avec les chauves-souris, voilà, c’est dit !
La devinette de la semaine dernière consistait à identifier cette personnalité sur la photo, qui aurait gagné à être plus connue. L’indice : cet homme a inventé un concept qui nous plaît bien, chez (RE)SET ! De qui s’agissait-il ? Vous l’aurez reconnu – ou pas-, ce Monsieur à lunettes n’est autre que Nicholas Georgescu-Roegen, roumain d’origine, mathématicien et économiste qui a développé ce que l’on a appelé la théorie de la « bioéconomie », en 1971. Pour simplifier à outrance, cet économiste s’est intéressé notamment à la question de l’entropie : « non seulement rien n’est gratuit par rapport à l’environnement, mais en plus tout coûte toujours plus cher que ce que l’on peut en tirer ». Une manière de devancer le rapport Meadows et les travaux du Club de Rome. Réconcilier activité économique et contrainte environnementale, c’était au cœur des travaux de Nicholas Georgescu-Roegen et cela reste plus que jamais d’actualité ! Devenu, hélas, une figure des tenants de la décroissance, il s’intéressait en réalité plus à la modification de la comptabilisation de la croissance et à la qualité de celle-ci.
La devinette de cette semaine nous fait encore monter en niveau, cela va être ensuite difficile d’aller plus haut (c’est l’indice 😉). Qui a dit : « (…) remplissez la terre et soumettez-la (…) Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre » ? Encore un qui a oublié la COP 15 et n’a pas lu la SNB 3… ?