Breaking (RE)NEWS du 4 octobre 2024
Bonjour,
Pour paraphraser Paul Valéry, la dette écologique serait-elle « l’un de ces détestables » concepts « qui ont plus de valeur que de sens, qui chantent plus qu’ils ne parlent et demandent plus qu’ils ne répondent » ? Le discours de politique générale du Premier Ministre nous amène à se poser la question, comme tous les éditorialistes depuis quelques jours. Faut-il retenir de cette intervention l’emphase mise sur l’environnement, « épée de Damoclès » mise au même plan que la situation financière du pays ? Les grandes phrases comme cette citation apocryphe de Saint-Exupéry, « nous n’héritons pas la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants », ou celle de Pierre Mendes France, « ne jamais sacrifier l’avenir au présent » ? Il serait malvenu de les critiquer tant elles sont justes, de même qu’il serait incongru de reprocher à Michel Barnier de reprendre ses discours et écrits d’il y a trente ans, quand il était ministre de l’Environnement. Pour autant, le doute subsiste.
Le Monde s’interroge : « Qui a pris les commandes de la planification écologique à Matignon ? Michel Barnier, l’ancien ministre de l’Environnement, chef d’orchestre d’une loi majeure au mitan des années 1990 ? Michel Barnier, le candidat à la primaire de la droite qui dénonçait, en 2021, l’énergie éolienne ? Ou encore un autre Michel Barnier, nouveau premier ministre mis sous pression par « la situation (…) très grave » des finances publiques, soutenu par une minorité déjà agitée et surveillé par une extrême droite climatosceptique ? » L’Usine Nouvelle se fait moqueur, titrant « Vers une transition de la transition écologique », reprenant les mots du Premier Ministre (« Je dirai la vérité sur la réalité de nos comptes publics et sur l’impact de nos modes de vie sur l’environnement ») pour noter qu’« il faudra néanmoins attendre pour savoir de quelle vérité il s’agit: au terme de la déclaration de politique générale, il est difficile de déterminer dans quel sens va pencher la balance environnementale. »
« Économie circulaire », « écologie de solutions », « décarbonation des usines » ou « renforcement de nos filières de recyclage » : tout est là, ou presque ! En matière de transition énergétique, le nucléaire reste en tête de gondole comme attendu ; le bilan des éoliennes (épouvantail traditionnel des partis conservateurs) reste toutefois à faire. Il est aussi à noter l’annonce d’une « grande conférence nationale sur l’eau ». Mais rien, ou presque, de concret, sinon des signes plutôt de recul, signale Les Echos : accompagnement à revoir des ménages et des entreprises à la rénovation énergétique des bâtiments, le diagnostic de performance énergétique (DPE) et le Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Dénonciation de possibles « surtranspositions » de directives européennes. Appel à moins de réglementations pesant sur les agriculteurs, … Autre signe assez peu encourageant : la délimitation nouvelle du ministère de l’Environnement. Agnès Pannier-Runacher s’est imposée dans ce ministère qui récupère l’énergie, avec la nomination d’Olga Givernet au poste de ministre déléguée. Mais le secteur du logement aura son propre ministère et ceux des transports, de la mer et de la pêche seront gérés par des ministères délégués placés ailleurs, notamment sous l’égide du ministère du partenariat avec les territoires. Le lien avec les collectivités échappe aussi au ministère de l’écologie et la gestion de la forêt part entièrement à l’agriculture, note Le Monde. « La nouvelle ministre n’aura la main sur quasiment aucune des politiques sectorielles nécessaires à la transition… », a regretté Marine Braud, ancienne conseillère écologie à Matignon, sur LinkedIn.
Comme souvent, le juge de paix se trouvera sans doute dans le Projet de loi de finances 2025. Alors que la réduction du déficit des finances publiques de 6% devient l’urgence du jour, seuls les arbitrages budgétaires à venir donneront le « la ». Et l’on saura alors si la « dette climatique » est un concept qui chante plus qu’il ne parle.
Notre rubrique symbolique, la météo de la semaine, est pour changer consacrée aux mers. Car le rythme de réchauffement des océans a presque doublé depuis 2005, selon le dernier rapport de l’observatoire européen Copernicus. Ce réchauffement s’explique par le fait que les océans ont absorbé depuis 1970 « plus de 90 % de l’excès de chaleur du système climatique ». « Le réchauffement de l’océan peut être considéré comme notre sentinelle du réchauffement climatique. Il n’a cessé d’augmenter depuis les années 1960. Et depuis 2005 environ, le rythme du réchauffement des océans a doublé », a souligné au cours d’une visioconférence l’océanographe Karina von Schuckmann, en présentant le huitième rapport sur l’état des océans de Copernicus. Les océans se réchauffent de 1,05 watt par mètre carré (W/m2) depuis 2005, contre 0,58 W/m2 dans les décennies précédentes, d’après le rapport. Ces travaux viennent consolider les rapports du GIEC. En 2019, ces experts du climat mandatés par l’ONU estimaient « probable » que le rythme de réchauffement des océans ait « plus que doublé depuis 1993 ». Des eaux plus chaudes entraînent des ouragans et des tempêtes plus violentes, avec leur cortège de destructions et d’inondations. Ce réchauffement s’accompagne également d’une multiplication des canicules marines. Ainsi, 22 % des océans du globe ont connu au moins une vague de chaleur sévère ou extrême en 2023. Plus étendues, les vagues de chaleur marines ont aussi tendance à devenir plus longues, avec une durée maximale annuelle moyenne qui a doublé depuis 2008, passant de vingt à quarante jours. En 2022, une vague de chaleur marine dans la mer Méditerranée a pénétré environ 1 500 mètres sous la surface, illustrant comment la chaleur peut se propager sur toute la colonne d’eau. Les épisodes de canicule marine peuvent entraîner des migrations et des épisodes de mortalité massive d’espèces, dégrader les écosystèmes, mais aussi réduire la capacité des couches océaniques à se mélanger entre le fond et la surface, entravant ainsi la distribution des nutriments. Elles peuvent également « avoir des implications sur la productivité des poissons », impactant la pêche, entre autres. Un rapport fascinant, à lire ici.
Crise climatique toujours, les victimes inattendues de la semaine sont les géants de l’Ile de Pâques ! Sur cette ile polynésienne appartenant au Chili, les « moaïs » se détériorent à vue d’œil, à tel point que certains prédisent la transformation des majestueuses statues de pierre en sable d’ici à quelques dizaines d’années seulement. Une catastrophe économique et culturelle pour ce petit territoire chilien, à peine grand comme l’île d’Oléron, peuplé par 7 700 personnes. Aujourd’hui, le principal péril, c’est le changement climatique, explique Le Monde dans son reportage in situ : presque tous les moaïs sont construits au bord de l’eau. Or, le niveau de la mer monte. Les monuments sont rongés par les vagues, s’effondrent et tombent dans la mer. De plus, Rapa Nui est aussi désormais en proie à des sécheresses d’une intensité et d’une durée sans précédent. San parler des tempêtes tropicales, qui se multiplient. Bref, les géants de l’Ile de Pâques, sculptés entre le 13e et le 15e siècle risquent fort de se transformer en sable dans la première moitié du 21e.
Pour rester dans l’élément marin, la limite planétaire de la semaine est l’acidité des océans. « Le diagnostic global est que le patient, la planète Terre, est dans un état critique ». Ces mots sont ceux de Johan Rockström, le directeur du Potsdam Institute for climate impact research (PIK) qui vient de publier pour la première fois son “Planetary Health Check”. Ce bilan de santé, qui sera désormais actualisé chaque année, revient sur l’état des neuf limites planétaires régulant la stabilité terrestre, sa capacité de résilience et son habitabilité. Novethic l’a commenté dans ses colonnes. Les résultats sont alarmants. Sous l’effet des activités humaines, six de ces seuils ont déjà été franchis ces dernières années et un septième, l’acidification des océans, s’apprête à l’être “dans un avenir proche”. Un processus “inévitable” selon les chercheurs qui s’inquiètent des nombreuses conséquences qui y sont associés. Liée à l’absorption du dioxyde de carbone par les océans, l’acidification entraîne en effet la diminution du pH de l’eau, devenant alors nocive pour de nombreux organismes. In fine, c’est toute la chaîne alimentaire marine qui est menacées. Autre impact, et non des moindres, l’acidification réduit “la capacité des océans à piéger le carbone, ce qui affaiblit leur capacité à atténuer le réchauffement de la planète”, alertent les auteurs du rapport.
Dans une suite logique, le concept de la semaine est l’ « éco-anxiété », autrement appelée « anxiété climatique ». Les recherches Google concernant les termes « éco-anxiété » et « anxiété climatique » ont augmenté de 4 590 % entre 2018 et 2023, révèle dans The Conversation une spécialiste de la santé mentale ayant étudié le phénomène. L’éco-anxiété a été documentée pour la première fois en 2007. Depuis, il y a eu une explosion d’articles à ce sujet, à la fois parmi les publications scientifiques et dans les médias grand public. Il en a découlé une prolifération d’échelles, de définitions et d’autres termes connexes, comme « anxiété climatique » ou « chagrin écologique » (ecological grief en anglais). Parmi les outils validés pour mesurer l’éco-anxiété, il existe désormais des échelles d’« inquiétude climatique », d’« anxiété climatique » et de « détresse climatique », qui mesurent toute une série de symptômes cognitifs, comportementaux, affectifs et fonctionnels. Beaucoup ont été créés et principalement testés dans les pays du Nord. Dans la littérature académique, l’éco-anxiété a été définie de façon multiple et souvent variable : parfois comme « une peur chronique de la catastrophe environnementale », comme « une inquiétude sévère et débilitante liée à un environnement naturel changeant et incertain », ou encore comme « diverses émotions et états mentaux difficiles découlant des conditions environnementales et de la connaissance de celles-ci ». Dans la pratique, de nombreuses personnes utilisent le mot pour décrire toute une série d’états émotionnels autres que l’anxiété, notamment le chagrin, la colère ou la culpabilité, ou encore le sentiment d’accablement, d’impuissance et de désespoir. Ces sentiments sont-ils l’apanage d’une jeunesse choyée qui, comme le diraient les rabat-joie, aurait besoin de se ressaisir ? La réponse est non, selon la spécialiste, qui constate que la plupart des personnes concernées subissent de fait de vraies conséquences de la crise climatique (sécheresses, inondations, températures extrêmes, montée des eaux, …). Sa conclusion est donc que, sur le plan mental, il faudrait plutôt s’inquiéter des personnes qui ne se sentent pas concernées par l’état de l’environnement en ce moment. Vous pouvez donc continuer à lire la Breaking (RE)NEWS !
Pour revenir de la mer à la terre, l’épais rapport de la semaine pourrait être celui de la Cour des Comptes Européennes consacré à l’agriculture biologique, publié fin septembre et dont Le Monde se fait l’écho. Incohérences, lacunes… Les conclusions du rapport de la Cour pointent la faiblesse et le manque d’efficacité de la stratégie bruxelloise en la matière. Au point que l’objectif fixé d’atteindre 25 % des terres agricoles des Vingt-Sept cultivées en agriculture biologique d’ici à 2030 « semble hors de portée », estime l’institution. Elle précise qu’en 2022 ce taux était de 10,5 % sur le territoire européen, soit 17 millions d’hectares. Une moyenne qui cache de fortes disparités, entre l’Autriche, en tête du tableau avec 25 % de sa surface agricole utile cultivée en bio, suivie de l’Estonie, de la Suède et du Portugal quand le ratio est de moins de 5 % pour les Pays-Bas, la Pologne, la Bulgarie, l’Irlande ainsi qu’à Malte. La France se classe en quinzième position avec un taux de 10,1 %. La Cour estime que, entre 2014 et 2022, 12 milliards d’euros ont été injectés pour le développement de cette agriculture qui s’affranchit des engrais et des pesticides de synthèse. Ce qui représente un peu plus de 2 % du montant global cumulé du budget agricole européen sur cette période, estimé à près de 520 milliards d’euros. Environ 15 milliards d’euros supplémentaires sont prévus d’ici à 2027. Ces subsides ont permis d’étendre les surfaces converties à l’agriculture biologique. « Mais pour un succès durable, il ne suffit pas de se focaliser sur l’accroissement de la superficie des terres cultivées en bio. Il faut également soutenir le secteur dans son ensemble en développant le marché et en augmentant la production », explique le rapport, qui enfonce le clou : « sans cela, nous risquons de créer un système déséquilibré entièrement dépendant des fonds de l’UE, plutôt qu’une activité prospère, portée par des consommateurs avertis ». Ce qui fait dire aux Echos que la Cour des comptes européenne fustige la méthode de Bruxelles : les auditeurs déplorent que les 12 milliards consacrés par l’UE au secteur depuis 2014 n’aient servi qu’à augmenter la superficie des terres cultivées en bio, sans créer de marché. Pour finir, les rapporteurs estiment que pour atteindre l’objectif de 25 % de surface en bio en 2030, il faudrait doubler le rythme actuel d’adoption de cette agriculture. Sinon, « l’Europe pourrait rater le coche ».
Le lien est facile avec l’enquête de la semaine, menée par des ONGs et médias environnementaux sur les pesticides interdits que la France n’utilise plus mais continue d’exporter en masse hors UE et dont les conclusions sont reprises dans Le Monde. Pour faire court : la France continue à exporter des substances interdites… qui reviennent ensuite dans les fruits et légumes importés ! Afin de mettre un terme à une pratique qualifiée d’ « odieuse » par les Nations unies, la France prohibe depuis 2022 l’exportation de pesticides dont l’usage est interdit dans l’Union européenne (UE) en raison de leur dangerosité pour la santé ou pour l’environnement. Mais deux ans après l’entrée en vigueur de cette loi pionnière dans le monde, on continue pourtant à produire en France des milliers de tonnes de pesticides interdits et à les acheminer vers des pays aux réglementations moins protectrices, comme le Brésil (première destination), l’Ukraine, la Russie ou l’Inde. Effet boomerang, ces substances chimiques très toxiques reviennent dans les rayons des supermarchés français par le biais de l’importation de fruits, légumes ou épices traités avec ces pesticides. Autre conséquence de la poursuite de ces exportations, une pollution des ressources en eau autour des sites de production en France. Telles sont les principales conclusions de plusieurs enquêtes menées par des associations (Public Eye, Unearthed et Pesticide Action Network Europe) et par l’équipe de l’émission « Vert de rage », qui vient d’être diffusée sur France 5.
Ressource minérale cette fois, l’incertitude de la semaine concerne le projet de mine de lithium dans l’Allier. S’il voit le jour, ce projet sera l’un des plus importants chantiers miniers en France métropolitaine depuis plus de cinquante ans. La Commission nationale du débat public (CNDP) vient de présenter la synthèse de ses travaux concernant ce projet porté par le groupe Imerys. Dénommé Emili (pour « exploitation du mica lithinifère ») et d’un montant estimé à un milliard d’euros d’investissement pour l’industriel français, ce programme a fait l’objet d’un débat public durant cinq mois qui s’est terminé fin juillet, marqué par une forte participation citoyenne – plus de 3 000 participants aux douze réunions publiques – mais aussi par des tensions de la part de ses opposants. Imerys promet, à terme, entre 500 et 600 emplois directs, et un millier d’emplois indirects, dans un département en souffrance démographique et économique. L’entreprise prévoit de produire, à partir de 2028, 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an, qui permettraient d’équiper 700 000 batteries de véhicules électriques. La mine bourbonnaise serait alors un maillon important de la politique française visant à bâtir une filière nationale de minerais et métaux stratégiques, afin d’être moins dépendant aux importations, notamment en provenance de Chine, rappelle Le Monde. Mais le débat public a fait remonter les inquiétudes locales liées aux risques environnementaux (gestion des déchets, usage de l’eau, risque de pollution des sous-sols, impact sur la biodiversité) et socio-économiques (retombées réelles en termes d’emplois, aménagement du territoire, partage de la rente minière pour les communes retenues). Comme souvent, dans les sujets de transition écologique et économique, rien n’est simple mais une chose est sûre : là comme ailleurs, il est difficile d’avoir le beurre (la souveraineté) et l’argent du beurre (la pollution chez les autres !), sans parler du reste … Mais chez (RE)SET, réconcilier l’apparemment inconciliable, c’est notre spécialité !
La molécule de la semaine est l’hydrogène. Les promoteurs de l’hydrogène le présentent souvent comme une pièce maîtresse de la transition, notamment à travers des métaphores comme les « couleurs » verte ou bleue pour la présenter sous un jour décarboné. La molécule a certes un rôle à jouer, mais elle est souvent présentée sous un jour bien trop optimiste, selon des chercheurs cités par The Conversation. Beaucoup prétendent qu’il deviendra une pièce maîtresse de notre approvisionnement énergétique, pour le chauffage, le transport par avion et par camion, et même qu’il permettra de stocker les énergies renouvelables intermittentes. Pour certains, il représente l’énergie du futur, celle dont les usages, variés et illimités, permettront de détacher nos économies des combustibles fossiles. Depuis quelques années, une nouvelle économie s’est construite autour de l’hydrogène, soutenue par des plans nationaux et des investissements hors norme. Pourtant, des scientifiques estiment que cet engouement repose davantage sur l’efficacité de la communication et du storytelling que sur des faits concrets. Avant qu’il ne soit considéré comme une option énergétique viable par l’opinion publique et les décideurs politiques, l’hydrogène était surtout connu comme réactif dans le raffinage pétrolier ou dans la production d’ammoniac et de méthanol. Aujourd’hui encore, la quasi-totalité de l’hydrogène disponible sur le marché, soit presque 95 millions de tonnes, se destine à ces applications, tandis que l’utilisation de l’hydrogène à des fins énergétiques demeure marginale. L’une des contraintes majeures de l’hydrogène est qu’il n’est pas naturellement présent en quantités significatives sur Terre, excepté dans quelques rares gisements géologiques. Cela signifie que l’hydrogène doit être produit avant de pouvoir être utilisé. Aujourd’hui, sa synthèse repose presque exclusivement sur des intrants fossiles et nécessite de grandes quantités d’énergies non renouvelables. À l’heure actuelle, la molécule est obtenue soit par vaporeformage du gaz naturel, soit par gazéification du charbon ou bien par vapocraquage des hydrocarbures pétroliers. Ces méthodes de production, qui sont les options industrielles les plus efficaces et rentables, reposent toutes sur des matières premières fossiles carbonées. La production d’hydrogène à partir d’eau, quoique très médiatisée, reste encore rare à un stade industriel. Quelle que soit la méthode de production industrielle actuellement utilisée, des émissions substantielles de dioxyde de carbone (CO2) sont générées sans être atténuées, auxquelles s’ajoutent des émissions fugitives de méthane substantielles sur l’ensemble de la chaîne d’exploitation de certaines ressources fossiles. En 2022, elles dépassaient le milliard de tonnes, conférant à la chaîne de production de l’hydrogène l’une des plus grandes empreintes carbones de toute l’industrie manufacturière. Compte tenu de ce bilan carbone alarmant, il est donc paradoxal de constater qu’une molécule au départ utilisée comme réactif chimique artificiel soit désormais vantée comme une énergie propre dans un monde en quête de solutions au réchauffement climatique.
Le devoir de la semaine est celui de vigilance, bien sûr. Le journal La Croix s’est penché sur la question dans une passionnante enquête et en tire la conclusion suivante : une « révolution silencieuse est en marche » dans les entreprises. Selon le site du Radar du devoir de vigilance, créé en partenariat par Sherpa et CCFD-Terre solidaire, 85 % des 263 entreprises soumises au devoir de vigilance en France avaient publié un plan de vigilance en 2022. « Même si cela met du temps à s’installer, on constate que les plans sont plus fournis, avec davantage de détails et d’informations », constate Lucie Chatelain, responsable du plaidoyer chez Sherpa. Dans son cabinet, Diane Buisson, avocate en droit du travail chez Redlink, constate « une prise de conscience de la part des entreprises, qui ont bien compris le risque que le devoir de vigilance représente pour elles. D’autant que toute personne qui a un intérêt à agir – y compris un particulier dont la vie serait impactée – peut se saisir de la loi ». ONGs, syndicats et collectivités ne s’en sont pas privés. Une trentaine de procédures (dont quinze sont toujours en cours) ont visé des géants français de l’énergie, de la finance ou de l’agroalimentaire. Après six ans de mises en demeure et de recours sans suite judiciaire, le tribunal de Paris a condamné pour la première fois en décembre 2023 La Poste (qui a fait appel), pour insuffisance de son plan de vigilance dans un dossier concernant l’emploi de travailleurs sans papiers dans ses filiales. En juin 2024, le juge a franchi un pas supplémentaire en déclarant recevables des recours concernant les obligations climatiques de TotalEnergies, EDF et une ancienne filiale de Suez. « Il y aura un jour un grand procès fondateur du devoir de vigilance », prédit un acteur du secteur, qui commence déjà à percevoir les effets concrets de cette nouvelle législation sur la vie des entreprises. En menant son « enquête » dans les filières de l’industrie extractive, du textile ou du cacao, il a constaté qu’elles avaient intégré « de façon irréversible » cette nouvelle donne juridique, « en changeant leurs processus, révisant l’approvisionnement des ressources, mobilisant leur direction des achats ». Au moins certaines d’entre elles… Pour les autres, il est encore temps de construire une matrice de risques/vulnérabilités. Chez (RE)SET, on sait faire.
Notre rubrique Maxime Blondeau de la semaine se veut, pour une fois, optimiste et nous ramène à nouveau vers l’océan. Il n’aura fallu que 7 ans pour redonner vie au récif corallien en mer d’Indonésie photographié ci-dessous. Oui, c’est possible !Coral Guardian est une ONG française qui a restauré plus de 72 000 récifs coralliens.
Si nous ne faisons rien, près de 90% des récifs coralliens risquent de disparaître d’ici 2050.
C’est l’attention et le soin qui peuvent faire la différence. Pour faire partie de la solution, « adoptez un corail », lance Maxime Blondeau sur sa page LinkedIn !
Au risque de renforcer l’éco-anxiété de certain(e)s, c’est le grand retour de notre rubrique TotalEnergies ! Non contents d’annoncer un rachat d’actions de 8 milliards d’euros en 2024 et d’un montant du même ordre en 2025 -mesure très critiquée sur le plan économique et social et dont même le gouvernement Barnier pense peu de bien-, notre champion national de l’énergie fossile a annoncé tabler sur une croissance de 3% par an de ses activités dans les hydrocarbures, principalement du gaz naturel liquéfié (GNL), censé être deux fois moins émetteurs de CO2 que le pétrole, rappelle Le Figaro. Parallèlement, le groupe continue de développer ses activités dans la production d’électricité, qui devraient dépasser 100 térawattheures en 2030. Cela représentera près de 20% de la production d’énergies de la Compagnie à cet horizon. TotalEnergies confirme enfin « des investissements nets entre 16 et 18 milliards de dollars par an sur la période 2025-30 dont environ 5 milliards seront consacrés aux énergies bas-carbone.» Oui : 5 milliards d’investissements sur le bas carbone en 5 ans, contre 16 milliards dépensés en rachat d’action au seul profit des actionnaires en deux ans. Cherchez l’erreur !
La devinette de notre précédente édition devait être simple, puisqu’il s’agissait d’une cartographie inédite, légendée, des cours d’eau en France, selon leur statut. Mais quelle surprise principale révélait-t-elle ? Simplement que les cours d’eau changent souvent de statut juridique en fonction des localités, départements, régions, qu’ils traversent… Ce qui complique grandement leur gestion optimale !
Pour terminer sur une note souriante, notre devinette de la semaine est garantie sans recours à l’Intelligence Artificielle. Elle nous rappelle la beauté de la vie animale, mais de quoi s’agit-il ?
Bonnes lectures et bon week-end !
[Pour rappel, (RE)SET, fondé en 2019, est le premier cabinet de conseil indépendant dédié à la transition économique et environnementale et taillé pour l’action. « (RE)SET : resources to win environmental and economic battles ! » Forcément partielle, parfois partiale, toujours engagée, cette revue des médias au ton souvent enlevé, voire impertinent, n’engage aucunement (RE)SET et a fortiori moins encore Julhiet Sterwen dans ses activités de conseil mais elle brosse un portrait que nous estimons intéressant de l’état de la transition telle qu’elle transparaît dans la presse et les travaux de recherche. Une photographie du débat, des forces en présence, des oppositions, des convergences, que nous espérons utile à vos décisions et à la construction de vos stratégies de transition.]