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BREAKING (RE)NEWS DU 19 JANVIER 2024 : REARMEMENT ECOLOGIQUE?

Le « grand rendez-vous avec la Nation » du Président Macron, donnant cet semaine un nouvel élan pour « réarmer la France », ne s’est pas appesanti outre mesure sur la transition environnementale et ses défis. Rappelé à l’ordre par une journaliste, le Président a clairement donné sa vision sur le sujet : les décisions « historiques » ont déjà été prises, les principaux « axes » ont été identifiés et des moyens ont été dégagés. De ce fait, il n’y a pas de nouvelle annonce forte à attendre. En revanche, il y a fort à faire pour mettre en œuvre ce qui a déjà été décidé. Si l’on peut peut-être regretter la forme, sur le fond le chef de l’Exécutif n’a pas forcément tort. En matière de transition, l’heure est moins aux débats et discussions qu’à l’action. Ce qui est vrai pour l’Etat l’est aussi pour les entreprises.

Reste que les premières mesures du nouveau gouvernement n’envoient pas forcément le meilleur signal. Ainsi la disparition du Ministère de la Transition Energétique, laissant seul Bercy aux commandes, aurait pu se justifier par une forme de simplification politico-administrative, mais il semble qu’elle ait un sens plus profond. De fait, la première mesure en la matière prise par le Ministre de l’Economie et des Finances -et, donc, de la transition énergétique- aura été de supprimer l’article 1 de la future « loi de souveraineté énergétique ». Problème : cet article était le seul à vocation programmatique, mettant la France sur la voie bien balisée d’une progression claire de son approvisionnement et de son mix énergétique. Ce faisant, Bercy semble s’être mis à dos tant les lobbys du nucléaire – « Sans son article 1, la loi de souveraineté énergétique doit changer de nom », lit-on dans l’Usine Nouvelle– que ceux des énergies renouvelables. Députés et sénateurs auraient dû, prochainement, inscrire dans la loi, avec près d’un an de retard, des trajectoires et des objectifs ambitieux permettant de faire baisser massivement les émissions de gaz à effet de serre et de commencer à sortir des énergies fossiles, tout en assurant la sécurité d’approvisionnement des Français. « Il n’en sera rien », assène Le Monde. Exit les cibles sur la baisse des émissions, sur la diminution de la consommation ou même sur la relance du nucléaire : dans la foulée du remaniement, le nouvel exécutif a fait le choix de « reporter » l’inscription dans un texte législatif de ces éléments, sans fixer de nouvelle échéance. Cet énième revers, sur la route de ce qui aurait dû être à l’origine une « grande loi de programmation énergie-climat », témoigne de la crainte du gouvernement de ne pas parvenir à faire voter un texte portant à la fois sur les renouvelables et sur le nucléaire. Et il éloigne encore la possibilité d’un débat dans l’Hémicycle, étape pourtant cruciale pour que les responsables politiques comme l’opinion s’approprient ces enjeux, juge Le Monde. Même si ce n’est sans doute que partie remise, tant l’enjeu est important. Après tout, c’est bien le candidat Macron en campagne pour son second mandat qui avait eu cette phrase forte :

A Bruxelles, en revanche, on continue de prendre des mesures qui, bien sûr, s’appliquent sur le territoire français. Les députés européens ont ainsi adopté avant-hier à une large majorité une directive interdisant le greenwashing et les informations trompeuses sur les produits. Selon le communiqué de presse du Parlement, les mentions environnementales génériques et autres arguments commerciaux trompeurs seront interdits. On parle là des mentions de type « respectueux de l’environnement », « naturel », « biodégradable », « neutre pour le climat » ou « écologique » si elles ne sont pas prouvées. Seules les mentions de durabilité basées sur une certification approuvée ou établies par les autorités publiques seront autorisées. Les informations de garantie devront être plus visibles et un nouveau label d’extension de garantie sera introduit. Il s’agirait là de la réglementation anti-greenwashing la plus ambitieuse au monde, selon les élus européens. La directive doit maintenant recevoir également l’approbation finale du Conseil. Elle sera ensuite publiée au Journal officiel et les États membres disposeront de 24 mois pour la transposer dans leur droit national. Par ailleurs, une autre directive, toujours en discussion est destinée à fonctionner en parallèle avec la directive sur les allégations écologiques qui est actuellement au stade de l’examen en commission au Parlement. La prochaine directive sur les allégations écologiques sera plus précise et définira plus en détail les conditions d’utilisation des allégations environnementales. Les greenwashers n’auront qu’à bien se tenir, s’ils ne veulent pas se retrouver rapidement devant les tribunaux… Danone est bien placé pour en parler, qui est actuellement poursuivi par des consommateurs américains réunis en class action. Un comble pour une entreprise régulièrement récompensée pour ses engagements climatiques. Danone, entreprise à mission certifiée B-Corp est devenue depuis quelques jours « le symbole de la méfiance des consommateurs envers les engagements climatiques des entreprises », raconte Novethic. Depuis le 10 janvier, le groupe agroalimentaire fait face à une action en justice concernant son allégation de neutralité carbone sur les bouteilles d’eau de la marque Evian. Selon l’agence de presse Reuters, les consommateurs affirment qu’ils n’auraient pas acheté de bouteilles d’Evian s’ils avaient su que le processus de fabrication de Danone permettait le rejet de CO2 dans l’atmosphère ou entraînait d’autres formes de pollution. Depuis 2020, Evian est en effet certifiée « neutre en carbone ». Mais le mécanisme permettant cette atteinte de la « neutralité » repose sur de la compensation carbone. Concrètement, Danone achète des crédits carbone via la plantation d’arbres ou la production d’énergies renouvelables par exemple, pour compenser les émissions qu’il émet. Ce concept de « neutralité carbone par compensation », bientôt interdit au niveau européen, est à l’origine des déboires de bien des entreprises. Evian n’est pas la seule à être poursuivie pour des allégations de neutralité carbone. En juillet dernier, l’Institut Grantham avait estimé à plus de 80 le nombre de recours en justice contre des entreprises accusées de promesses trompeuses ou de ne pas mettre en œuvre les efforts promis en matière de climat. Au point que plusieurs groupes ont décidé de faire marche arrière. EasyJet, Gucci, Nestlé…, les entreprises préfèrent renoncer à cette allégation. Elles font bien.

Le « plus jamais ça de la semaine », dans une habile transition vers nos rubriques hebdomadaires, est donc cette publicité récente pour KLM, qui sur Facebook explique « limiter son empreinte écologique sur ses vols intra-européens » grâce à ses nouveaux gobelets à café et la récupération du marc pour le compost 😊

La bonne nouvelle de la semaine, dévoilée à Davos, est que les chefs d’entreprise français sont plus conscients que leurs homologues internationaux des effets des évolutions climatiques et écologiques en général pour leur business. Selon la 27e étude annuelle réalisée auprès des chefs d’entreprise par PwC, qui a interrogé 4 700 dirigeants dans plus d’une centaine de pays, 30 % « seulement » d’entre eux pensent que le climat les poussera à transformer leur entreprise dans un futur proche mais cette proportion passe à 53% concernant les PDG français. Une prise de conscience qui s’expliquerait en large partie par le contexte réglementaire français. La France a mis en place une réglementation contraignante depuis de nombreuses années, notamment l’obligation de reporting extra-financier pour les plus grandes sociétés cotées sur leurs impacts sociaux et environnementaux, et ses textes ont souvent, depuis, été en avance sur la législation européenne, selon les auteurs de l’enquête. Cela a créé une acculturation. Autre hypothèse, un peu fragile on vous l’accorde : un nombre croissant de chefs d’entreprise français se sont abonnés à la Breaking (RE)NEWS 😉. Mais plus sérieusement, on sait déjà, nous explique Le Point, que la tendance va s’accélérer en 2024, avec la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui imposera aux grandes entreprises de collecter et de publier une foule de données environnementales, incluant les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau, l’impact sur les espaces naturels ou les communautés locales.

L’étude de la semaine nous vient également de Davos, avec dans le même esprit le World Economic Forum qui a publié son rapport annuel 2024 sur les risques pour l’économie mondiale. Toujours au niveau du ressenti, comme on dit chez Météo France, la perception est la bonne :

Si, à l’horizon de deux ans, le risque principal est lié à la désinformation, aux fake news et autres propagandes insidieuses – mais ne serait-ce pas lié à l’imminence de l’élection présidentielle américaine et au retour tonitruant de Donal Trump ? -, les déterminants environnementaux trustent les premières places à 10 ans : crise climatique, dépassement des limites planétaires, pertes de biodiversité et pénurie de ressources sont identifiés comme les principaux risques pesant sur le développement économique de la planète. On ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.

Pour rester dans un bon esprit, la citation optimiste de la semaine est signée Bruno Bonnel : « La France est un paradis pour les entrepreneurs », explique-t-il à L’Express, faisant le bilan à date du programme France 2030. Il s’y défend aussi de la relative lenteur supposée de l’allocation des fonds : « Ceux qui imaginent qu’en l’espace de deux à trois mois, on peut identifier sur le territoire français les futures boîtes qui vont faire l’avenir du nucléaire ou accoucher du futur ordinateur quantique, sont des rêveurs ! ». Ainsi, poursuit-il, « 1 dossier sur 3 seulement est retenu au bout d’une instruction qui prend six ou sept mois. Ce qui est le minimum, par rapport à l’exigence d’excellence que nous nous sommes fixés ». Nous, on regrette quand même que la majorité des financements verts soient associés à la décarbonation et que peu soient alloués aux ressources, à la circularité, aux matériaux, à la chimie verte …

La confirmation des propos de la semaine (!) de Bruno Bonnel nous est apportée par le baromètre annuel du capital risque d’EY: les start-ups de l’industrie verte arrivent en tête des levées de fonds françaises en 2023. Les jeunes pousses de la greentech ont attiré le plus de financements de fonds l’an passé, alors que le numérique prédominait jusqu’ici. Le baromètre confirme par ailleurs la fin de l’euphorie post-covid avec globalement des levées en baisse de 38% par rapport à 2022.

L’innovation comptable de la semaine est résolument écologique. Embarqué depuis de nombreuses années dans une réflexion sur la dimension durable de son activité, le Grand port maritime de La Rochelle va démarrer prochainement une démarche pour adopter une comptabilité verte. Cette approche comptable écologique est inédite à cette échelle, affirme La Tribune. Basée sur la méthodologie C.A.R.E (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology), cette comptabilité vise à assurer directement le pilotage des organisations et n’est pas simplement du reporting, même si elle est bien sûr en phase avec la CSRD.

Le malus de la semaine risque de s’appliquer bientôt aux équipements électroniques et électroménagers affublés d’un mauvais score de réparabilité. C‘est au moins l’ambition d’un projet d’arrêté soumis à consultation publique le 30 octobre dernier par le ministère de la transition écologique, concrétisant ainsi une mesure de la loi AGEC de février 2020. Ce dispositif d’éco-modulation prévoit aussi, comme pendant, un bonus pour les appareils vertueux en termes de réparabilité. Le malus serait de 20 euros tandis que le bonus serait de 40 euros. Ce qui provoque nombre de réactions hostiles de certains lobbys de producteurs et de consommateurs qui craignent un effet inflationniste touchant « les Français les moins aisés » qui ne pourraient pas « investir dans des produits premium ». Pour eux, les modèles d’entrée de gamme, par exemple de smartphones, seraient plus souvent frappés de malus. Interrogé par Le Monde, le ministère réplique qu’il existe « des modèles d’entrée de gamme avec un bon indice de réparabilité », comme le Neva Leaf d’Orange (139 euros, indice de réparabilité de 8,8/10). Exemple qui devrait inciter les producteurs « à concevoir des smartphones plus réparables ».

La digression militaire de la semaine a fait l’objet d’une une enquête sérieuse transmise aux Nations Unies, dévoilée par le quotidien britannique The Guardian puis reprise par L’Express : en deux mois, la nouvelle guerre de Gaza a provoqué autant d’émission de gaz à effets de serre (GES) que la Nouvelle-Zélande en un an. Quant à l’Ukraine, cela représenterait plutôt les émissions de GES du Bénélux. Au niveau mondial annuel, les conflits et guerres représenteraient plus de 5% des GES de la planète et cela placerait le conflit militaire, s’il était un Etat, au même niveau que l’Inde… Une suggestion toute personnelle de l’auteur de ces lignes, qui en assume donc la naïveté : et si l’on interdisait les guerres ?!

La pollution de la semaine concerne plus de 160 000 habitants en Auvergne Rhône-Alpes et elle implique, comme souvent, les PFAS, dits « polluants éternels », qui infestent l’eau du robinet, selon l’Agence Régionale de Santé. S’il n’y aurait pas de risque immédiat pour la population, 50 communes doivent mettre en place des mesures pour diminuer cette contamination. Libération, qui évoque cette pollution, le rappelle : ces composés poly- et perfluoroalkylés (une famille regroupant plus de 4 700 molécules), sont dotés de propriétés antiadhésives et imperméables et sont massivement présents dans la vie courante : poêles en Teflon, emballages alimentaires, textiles imperméables, automobiles… Quasi indestructibles, ils s’accumulent avec le temps dans l’air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu’au corps humain, d’où leur surnom de polluants « éternels ». En cas d’exposition sur une longue période, ils peuvent avoir des effets sur la fertilité ou favoriser certains cancers, selon de nombreuses études. Depuis juin 2023, des milliers de sites industriels vont devoir mener une campagne « d’identification et d’analyse » de leurs rejets de PFAS. Dans le sud de Lyon, en avril 2023, des teneurs trop élevées en PFAS avaient déjà été détectées dans les œufs de 16 communes. Compte tenu de l’impact déjà identifié des PFAS sur la stérilité, le projet présidentiel de multiplier les bébés suppose d’agir aussi sur la pollution chimique 😉

La vidéo de la semaine nous est offerte par le Journal Télévisé de France 2, qui est allé filmer une rivière de 432 kms de long au Guatemala, le Rio Motagua. Sa particularité ? Elle concentre, nous dit-on, 3% de la pollution plastique mondiale ! Une ONG locale a installé une barrière flottante, qui récupère quotidiennement jusqu’à 400 tonnes de déchets, avant qu’ils ne rejoignent la Mer des Caraïbes aux eaux translucides… Il faut dire que plus de la moitié de la population du Guatemala ne bénéficie pas (encore) de système de ramassage des ordures.

En amont :

En aval :

La devinette de la semaine dernière s’adressait plutôt aux ingénieurs. Que représente donc ce graphique et quelle information nous donne-t-il sur nous-mêmes ? L’indice était qu’il est question d’une « légèreté presque insoutenable » … De fait, il s’agit de la courbe de rotation de la Voie lactée, représentant la vitesse circulaire de rotation en fonction de la distance au centre. Et alors, êtes-vous en train de penser (et on vous comprend) ? La décroissance képlerienne constatée implique un résultat inattendu : notre Voie Lactée, qui abrite des dizaines (au moins) de milliards d’étoiles dont la nôtre, pèse quatre à cinq fois moins, explique l’Observatoire de Paris, que prévu : « seulement » 206 milliards de fois la masse de notre Soleil, selon une nouvelle étude d’une équipe internationale, conduite par des astronomes de l’Observatoire de Paris – PSL et du CNRS. On vous le répète souvent : nous sommes peu de choses 😉

La devinette de la semaine s’adresse à tout le monde et nous transporte, elle, dans une vidéo aussi désopilante qu’informative. Qui est donc ce personnage vert qui n’est peut-être pas sur la liste des invités ? Indice : il est ici beaucoup question de molécules…

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