Et si nous débutions cette Breaking (RE)NEWS en chanson ? Rappelez-vous : « « Bruxelles, ma belle, je te rejoins bientôt, aussitôt que Paris me trahit (…) ». Certes, Dick Annegarn en 1974 -donc une découverte pour la plupart d’entre vous- ne parlait pas là de la transition économique et environnementale. Mais il aurait pu, car cette semaine encore, beaucoup semble se jouer plus à Bruxelles qu’à Paris. La guerre des règlements bat son plein et la tentation, sinon d’une île, au moins d’une « pause », comme disaient Emmanuel Macron et d’autres, semble s’affirmer.
Qu’on en juge, avec d’abord la confirmation redoutée du report sine die de la réglementation « REACH » (Registration, evaluation and authorization of chemicals), le plan d’interdiction des produits chimiques dangereux. Présentée comme un pilier de la stratégie « zéro pollution » du Pacte vert (ou Green Deal), cette réforme du règlement Reach devait permettre en particulier, à l’horizon 2030, d’interdire ou de restreindre massivement l’usage d’une multitude de produits chimiques dangereux, présents dans de nombreux produits de consommation courante : jouets, emballages et contenants alimentaires, vêtements, meubles, appareils électroniques, cosmétiques, peintures, produits d’entretien, … Une première fois repoussée il y a un an, elle l’est à nouveau pour ne plus même apparaître dans les travaux de la Commission Européenne jusqu’à… la fin de celle-ci, en juin 2024. Phtalates, bisphénols, parabens, éthers de glycol, retardateurs de flamme bromés, composés perfluorés ou encore substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) : les services de la Commission ont pourtant eux-mêmes évalué la magnitude du fardeau sanitaire et économique de l’exposition chronique de la population européenne à ces produits dangereux. Au total, rappelle Le Monde, « selon la sévérité des mesures de retrait envisagées, l’étude en question estimait que la traduction économique des bénéfices attendus pour la population européenne se situait entre 11 et 31 milliards d’euros par an à l’échelle de l’UE. Le poids économique de telles mesures pour les secteurs industriels concernés était de l’ordre de dix fois inférieur, compris entre 0,9 et 2,7 milliards d’euros par an. » Hasard du calendrier, une étude de l’INSERM a aussi été publiée hier, qui démontre la réalité du « lien entre le risque de leucémie pédiatrique et le fait d’habiter à proximité de vignes », pointant les pesticides et autres produits chimiques utilisés…
Nous ne sommes pas, chez (RE)SET, des ultras de la régulation… mais nous avons une conviction : il faut s’atteler à ce sujet car sans chimie verte nos coûts de dépollution et de réparation vont asphyxier nos économies.
Lobbying quand tu nous tiens, l’autre projet de règlement de la semaine -et plus encore des prochaines semaines- concerne les emballages et déchets d’emballage. Depuis un an que la Commission Européenne l’a rendu public, les couteaux se sont aiguisés, de part et d’autre, pour renforcer ou vider de son contenu, c’est selon, le projet : renforcer les « 3 R » (Réduire, Réemployer, Recycler) dans un secteur responsable de 40% des déchets plastiques et de 50% du volume des déchets ménagers. Pour reprendre les exemples de Pascal Canfin, Président de la Commission Environnement du Parlement Européen, un brin agacé, Mc Do, KFC ou Pizza Hut font partie de ceux qui mènent un combat qualifié « d’arrière-garde ». La France, elle, du fait de la loi AGEC, pilotée par Brune Poirson en 2020, a plutôt pris les devants. Sur le réemploi, le futur règlement va au-delà de la loi AGEC. Sur d’autres aspects c’est l’inverse. Les votes en commission environnement au Parlement européen la semaine prochaine, puis en plénière en novembre, seront cruciaux. Il est possible que les résultats ne soient pas à la hauteur des attentes. Le moment de rappeler, peut-être, que l’an dernier, 44,7 tonnes de microplastique sont tombées sur la tête des Parisiens, selon les derniers chiffres de plasticforecast.com.
Et surtout que le mérite de cette règlementation aurait pu être d’harmoniser les contraintes règlementaires et donc les solutions, indispensable convergence pour les marques qui doivent s’y conforter…
Heureusement, Bruxelles pond aussi « des trucs qui marchent », comme chantait Alain Bashung. Justement, à propos de microplastiques, depuis le 17 octobre, la vente des paillettes libres est progressivement interdite dans tous les rayons de l’Union européenne. Cela fait suite à l’adoption le 25 septembre dernier de nouvelles règles par la Commission européenne visant à proscrire l’usage des microplastiques dans les produits de grande consommation. Le but : réduire la pollution plastique en évitant le rejet dans l’environnement de « toutes les particules de polymères synthétiques de moins de 5 millimètres organiques, insolubles et résistants à la dégradation », précise l’institution. Cela concerne donc les paillettes, majoritairement composées de plastique et d’aluminium, mais aussi les microbilles libres qui interviennent dans la composition de produits cosmétiques comme les gommages. De nombreux produits seront graduellement concernés par l’interdiction des microplastiques, selon des échéances variables, afin de laisser le temps aux industriels d’adapter leurs formulations. Cinq ans sont ainsi accordés pour les détergents, huit ans pour les granulés de remplissage utilisés sur les surfaces de sport artificielles et douze ans pour le maquillage et les produits cosmétiques. Avec cette nouvelle réglementation, la Commission européenne espère ainsi éviter « le rejet dans l’environnement d’un demi-million de tonnes de microplastiques. » Elle vient compléter son plan d’action « zéro pollution » qui ambitionne de réduire de 30% la pollution engendrée par les microplastiques d’ici 2030. En parallèle, la Commission a annoncé lundi 16 octobre des propositions ciblant cette fois-ci les granulés de plastiques.
Pour débuter nos rubriques hebdomadaires, restons en Europe avec la position commune de la semaine concerne l’Europe et elle est décevante, selon Le Monde : pour la COP 28, la position commune de l’Union européenne adoptée lundi ne prévoit pas de date pour la sortie des énergies fossiles, les Vingt-Sept s’étant contentés de reprendre la cible d’une baisse d’au moins 55 % de leurs émissions de gaz à effet de serre, inscrite dans leur loi Climat. Pour une fois, Libération a une vision plus optimiste, notant que l’Union européenne fait un pas vers la fin du pétrole car le texte de compromis et mandat de négociation pour la future COP prévoit tout de même leur « quasi-élimination ».
Le portrait de la semaine est celui de Pascal Demurger , « l’assureur militant » qui bouscule le patronat, pour reprendre le titre du Monde. A la tête de la MAIF depuis quatorze ans, l’énarque, qui a pris en mars la coprésidence du mouvement d’économie solidaire « Impact France », veut faire passer auprès du gouvernement l’idée de conditionner les baisses d’impôts des entreprises à leur responsabilité sociale et environnementale. S’attirant les foudres du Medef.
L’énergie alternative de la semaine qui en France rame un peu est l’éolien. Le Figaro, qui s’intéresse généralement peu à la transition, s’est néanmoins appesanti sur le rapport de la Cour des Comptes paru la semaine dernière qui analysait la mise en œuvre et les résultats des politiques publiques dédiées au développement de la production d’électricité éolienne terrestre et maritime, depuis 2017. Le rapport met en avant les ambitions élevées de la France en la matière, ambitions qui risquent de lui coûter plutôt cher. En effet, elle est le seul pays européen à ne pas avoir atteint les objectifs fixés par la directive européenne de 2018 sur les énergies renouvelables. Ils ont été remplis à 80 %, avec une capacité de production éolienne représentant 8,3 % de la production électrique nationale en 2022. Conséquence, Paris doit acheter des « droits statistiques pour des sommes importantes et encourt en outre des sanctions financières », note la Cour. Ces « droits statistiques » correspondent à l’écart entre les objectifs fixés et ceux réalisés. Ils seraient compris entre 500 et 900 millions d’euros pour la seule année 2020. Ce à quoi pourraient s’ajouter des pénalités en cas de contentieux avec l’Europe. Un comble alors que le déploiement de l’éolien en France a longtemps été financé par l’État. Il a ainsi versé 4,3 milliards aux producteurs d’énergies renouvelables (toutes filières confondues) en 2017 et 5,8 milliards en 2020. Depuis 2021 et la hausse des prix de l’énergie, la tendance s’est inversée. Ces filières deviennent contributrices, reversant à l’État 9,1 milliards au titre de 2022 et 13,4 milliards sont attendus en 2023.
L’autre (!) énergie alternative de la semaine est le solaire, souvent décrié pour ses déchets peu recyclables. Il s’agit d’un faux problème, nous explique en substance Serge Besanger, Professeur à l’ESCE International Business School, INSEEC U Research Center, sur le site de The Conversation. Avec ces chiffres qui valent mieux qu’un long discours :
Déchets accumulés dans le monde de 2016 à 2050
Déchets ménagers (53,87%)
Déchets du photovoltaïque (scénario optimiste) (0,04%)
Déchets du photovoltaïque (scénario pessimiste) (0,12%)
Boues huileuses (0,19%)
Déchets électroniques (1,44%)
Déchets plastiques (9,46%)
Cendres de charbon (34,88%)
Source : Données compilées par H. Mirletz et al.
Voilà qui donne une meilleure dimension au problème : 00,4% des déchets dans le scénario optimiste, 0,12% dans un scénario pessimiste 😉
La tribune de la semaine a été rédigée par Fabrice Bonnifet , le Président du Collège des directeurs du développement durable (C3D), qui rassemble quelque 300 membres, en charge du développement durable ou de la responsabilité sociale (RSE) au sein des entreprises françaises. Il écrit notamment qu’aujourd’hui, « nous sommes parfaitement au fait des limites du système sur lequel est ancrée la création de valeur de nos propres entreprises. Si nous sommes sincèrement engagés dans leur intérêt, justement, nous ne pouvons que dire la vérité : non, les profits, comme les ressources, ne sont pas infinis et, oui, nos modes de production, de commercialisation et nos relations avec nos parties prenantes ne sont pas durables et doivent changer. » Chez (RE)SET, on applaudit, en regrettant juste que les Directeurs du Développement Durable ou de la RSE ne soient pas toujours suffisamment écoutés dans leurs entreprises 😉
L’illustration de la semaine parlera à chacun(e) d’entre nous : à votre avis, combien de kilomètres de papier toilette utiliserez-vous dans votre vie entière ? Si vous correspondez à la moyenne des Français, alors ce sera de l’ordre de 540 kilomètres, soit 10 fois plus que si vous étiez russe, 100 fois plus qu’un habitant du Nigeria, mais deux fois moins que si vous étiez portugais ou américain 😊. Ces résultats, issus d’une étude très sérieuse de QS Supplies, ne sont pas faits pour vous rappeler la fameuse publicité télévisée de Lotus et de son bébé coquin (qui date des années 80 et n’est donc peut-être pas fameuse pour vous !) mais une réalité plus prosaïque : 15% de la déforestation mondiale sert à la production de papier, notamment hygiénique (mouchoirs et PQ).
La facture salée de la semaine pourrait bientôt concerne le secteur des réassureurs. De fait, le coût des catastrophes naturelles pourrait bondir de 60 % d’ici à 2050. L’assureur public CCR a réévalué, sur la base des scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, l’impact de la recrudescence des événements climatiques sur le mécanisme d’indemnisation des catastrophes naturelles. Conclusion : un risque majeur pèse sur le fonds Cat(astrophe) Nat(urelle). Pour rappel, le régime Cat Nat assure, grâce à la garantie financière de l’Etat, l’indemnisation des dommages dus aux inondations, à la sécheresse géotechnique (aussi appelée retrait-gonflement des argiles), aux séismes, aux submersions marines et aux cyclones.
La vidéo de la semaine n’a sans doute hélas que peu de lien avec notre sujet de prédilection, en dépit d’affirmations contraires. Si vous voulez savoir où en est le projet pharaonique et mégalomaniaque du souverain saoudien, autrement dit « NEOM », c’est ici. Piscines géantes à ciel ouvert au milieu du désert, pistes skiables dans les montagnes saoudiennes et autres « enfers verts » potentiels avancent bien, à coup de dizaines de milliards de dollars. Cool.
L’image de la semaine nous vient d’Amazonie : Copernicus, qui voit tout, nous montre ici le niveau d’assèchement, d’une année sur l’autre, du plus puissant fleuve du monde, du fait d’une grave sécheresse et des incendies volontaires dans la région pour transformer les forêts humides en champs…
La ressource en péril de la semaine est le nickel, bien connu des néo-calédoniens. Selon une étude de l’ONG Mighty Earth, les groupes automobiles se battent pour obtenir ce minerai indispensable pour les futures voitures électriques. En Indonésie, cela prend des proportions désastreuses pour l’environnement car ces gisements sont situés sur des forêts riches en biodiversité. L’explosion de la demande pour le nickel a déjà conduit à déforester l’équivalent de la ville de New York dans la forêt amazonienne. Ce qui, en passant, contribue à dégrader la situation financière des mines de Nouvelle Calédonie (plus de 80% des besoins de la France) car l’Indonésie « bénéficie » d’une énergie à base de charbon beaucoup moins chère et subventionnée et de coûts de main-d’œuvre cinq fois inférieurs à ceux de Nouméa.
L’autre (!) ressource en péril alors qu’on la croit parfois abondante est l’eau douce. Dans son dernier rapport, publié cette semaine, le WWF indique que la dégradation de nos écosystèmes d’eau douce entraîne une aggravation de la crise de l’eau, qui menace la santé humaine et planétaire – et une valeur économique annuelle estimée à 58 000 milliards de dollars. Le rapport, subtilement intitulé « The high cost of cheap water » et sous-titré « The $58 Trillion Water Crisis » appelle à une action urgente pour protéger et restaurer nos rivières, lacs, zones humides et aquifères souterrains.
L’oeuf de la semaine est doré et nous vient lui de l’eau salée, plus précisément du fin fond de l’océan sur la côte de l’Alaska, où il a été pêché par des scientifiques. Il y a de grandes chances que l’objet soit relié à une nouvelle espèce, puisqu’on estime que plus d’un tiers de la vie dans l’océan serait toujours inconnue. En tous les cas il aura donné un bon prétexte à Virginijus Sinkevičius, Commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, pour rappeler dans une tribune au Monde que « le traité sur la haute mer [signé le 20 septembre] est un exemple de l’importance du multilatéralisme ». Avec aussi cette jolie évocation : « Les grands fonds marins, plus mystérieux que la surface de la Lune, n’en finissent pas de nous émerveiller. Et si la haute mer offrait bien plus que des œufs d’or : des solutions pour notre avenir commun ? »
L’incongruité de la semaine nous vient de New-York, elle est insignifiante pour ne pas dire grotesque mais marginalement bonne pour la biodiversité ce qui nous donne un prétexte pour la partager avec vous: les habitant de la Grande Pomme se précipitent en masse pour bénir les animaux ! Et toutes sortes d’animaux, pas seulement les toutous et les minous : des alligators, des tortues, des oiseaux et même, récemment, un dromadaire et une autruche. La bénédiction des animaux est « un prolongement de l’attitude de saint François d’Assise », explique-t-on à l’église protestante qui organise ces bénédictions. Il se murmure qu’il s’agirait plutôt d’une démarche « marketing » de l’église pour limiter la désaffection de ses ouailles, mais bon, cela ne nous regarde pas et c’est toujours mieux que d’achever les chevaux…
La devinette de la semaine dernière tenait en un chiffre : 5 millions de mètres carrés. Mais de quoi ? Deux indices vous étaient donnés car ce chiffre était doublement problématique : sur l’origine « made in China » ou non de… quelque chose ; sur le zéro net artificialisation des sols. Trop facile ! Il s’agissait bien sûr des panneaux solaires : cinq millions de mètres carrés de panneaux solaires vont être installés sur des entrepôts logistiques d’ici à cinq ans en France. C’est ce que l’association des acteurs de l’immobilier logistique et industriel a calculé après avoir procédé au recensement des différents projets au sein de la filière. Des installations photovoltaïques, essentiellement sur les toitures, qui permettront de produire l’équivalent de la consommation électrique annuelle de 600.000 habitants. Dans le détail, ces nouvelles centrales devraient représenter au bout de cinq ans une puissance d’1,2 gigawatt crête, pour une production de plus de 1300 GWh/an, selon les porteurs de projets. Pour rappel, les panneaux solaires installés en France sont toujours très majoritairement produits en Chine, un pays largement dépendant du charbon. Et les ombrières photovoltaïques posées sur les parkings suscitent des débats autour de l’artificialisation des sols. Alors que la France vise un objectif de « zéro artificialisation nette » des sols, l’installation de ces structures pourrait faire obstacle à cet objectif.
La devinette de la semaine est une citation. Qui a dit : « C’est une question politique de savoir si l’on veut − et jusqu’à quel niveau − soit développer les satisfactions immédiates, le niveau de vie, c’est-à-dire l’expansion de la consommation, et sacrifier en conséquence l’avenir (au moins en partie), soit, au contraire, œuvrer en faveur d’avantages futurs, ceux qui résultent à terme d’un accroissement présent des investissements, et sacrifier (au moins en partie) le présent. »
Un indice : ni l’auteur de ces lignes ni Jancovici n’étaient nés ! Les plus instruits pourront préciser la date de ce discours.