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Breaking (RE)NEWS du 6 novembre 2024

Bonjour,

Commençons, pour changer, par une fausse charade : mon premier est le premier pays producteur d’énergie fossile, mon deuxième est le deuxième émetteur mondial de gaz à effets de serre, mon troisième est le plus grand pollueur historique de la planète, mon tout votait hier pour élire un(e) Président(e) de la République qui n’a pas dit un mot, ou presque, de la transition environnementale durant la campagne électorale. De quel pays s’agit-il ? Oui, bien sûr, c’était trop facile, nous parlons des Etats-Unis.

Nous connaissons le vainqueur. Que dire, sinon que du point de vue qui nous intéresse, celui de la transitions environnementale et économique, il était pire que l’autre ? Si les deux ont soigneusement évité d’aborder les sujets écologiques, devenus dans l’esprit des américains un « marqueur idéologique » (comprendre : un mauvais marqueur), Donald a tout de même une longueur d’avance, ou de retard, c’est selon, sur Kamala. Il est celui qui depuis des décennies répète que le réchauffement climatique est « l’arnaque du siècle », le « canular (…) inventé par les Chinois pour empêcher l’industrie américaine d’être compétitive », qui permettra in fine à plus de gens d’avoir une jolie maison « les pieds dans l’eau », comme le rappelle Le Monde. S’il a mis la pédale douce depuis que son meilleur ami du moment s’appelle Elon Musk, Trump continue de sous-estimer (litote) l’urgence de la transition. Pour rappel, lors de son mandat (2017-2021), il avait abrogé plus de 100 normes environnementales issues de la présidence de son prédécesseur, Barack Obama, et il avait fait sortir son pays de l’accord de Paris sur le climat. Aujourd’hui, il veut aller plus loin en faisant de même (Biden avait rétabli les choses entretemps) et en y ajoutant la remise en cause de l’Inflation Reduction Act (IRA). Ce vaste programme de soutien à la transition énergétique constitue la plus grosse loi sur le climat jamais votée dans l’histoire des Etats-Unis. Le « Président-élu » veut « mettre fin » à cette « nouvelle arnaque verte », comme il la décrit, et plus spécifiquement aux subventions à la production d’énergies renouvelables. A la place, le leitmotiv de Donald Trump, soutenu par les compagnies pétrolières, est « Drill, baby drill! » (« Fore, chéri, fore ! »), et il entend relancer massivement la production de gaz et de pétrole – « de l’or liquide sous nos pieds » –, tout en continuant à brûler du charbon, la plus polluante des énergies fossiles.

De son côté, Harris s’était convaincue qu’évoquer la transition et ses contraintes risquait de lui aliéner, tel Al Gore vingt-quatre ans plus tôt, les votes centristes dont elle avait besoin. La Pennsylvanie est un bon symbole de cette intrication des enjeux écologiques et des positionnements opportunistes : deuxième producteur de gaz de schiste, cet Etats est également un « swing state », l’un de ceux qui font et défont les Présidents américains. Pour rappel, l’extraction du gaz se fait à partir de plateformes au sommet de collines artificielles. « Plusieurs puits descendent dans la roche étanche pour la disloquer en injectant une quantité phénoménale d’eau, additionnée de produits chimiques, à très forte pression », explique Ouest-France. Le gaz est ainsi libéré, par fracturation hydraulique. L’impact écologique est suffisamment terrible pour que ce type de production soit interdit en France et dans la plupart des pays européens. Kamala Harris s’y était de tout temps opposé. Mais c’était « avant ». Avant qu’elle devienne candidate. Depuis, elle était « pour » ce type de production d’énergie fossile. Surtout dans ses discours en Pennsylvanie. De toute évidence, son retournement de veste sur le sujet n’a pas suffi, puisqu’elle a perdu ce « swing state »…

D’où ces titres vus dans la presse française ces jours-ci : d’un côté, ces élections constituaient « un enjeu crucial pour le climat » (Le Monde) et elles seront donc « lourdes de conséquences » (Le Figaro) ; d’un autre côté, l’environnement a été « le grand absent de la campagne » (Francetv-Info), ce qui en fait « le rendez-vous manqué » (Les Echos) de Trump et Harris. Un « sujet tabou », en somme, pour reprendre les mots de La Tribune.

Faute de s’être vraiment exprimé sur ces questions, au-delà de sujets polémiques et de généralités, on sait peu ce que le Président élu fera vraiment, une fois installé au pouvoir. On sait juste que ce ne sera pas dans l’intérêt de la planète mais bien dans celui des Etats-Unis. Mais on sait aussi que la transition étant ce qu’elle est, inéluctable, ses nécessités s’imposeront. Peut-être pas au rythme qu’il faudrait.

Gageons que nos amis espagnols ont bien compris, ces derniers jours, l’urgence de la situation, ce qui nous permet de débuter notre séquence fétiche : la météo de la semaine. Plus de 217 morts lors des inondations dramatiques de la région de Valence, outre-Pyrénées ! Un triste record historique en Espagne et dans l’ensemble de l’Europe – le précédent était une inondation en Allemagne qui avait fait 190 morts il y a trente ans. En cause : le réchauffement climatique bien sûr, dont ont sait qu’il augmente la fréquence de tous ces événements extrêmes. Mais aussi la perte de perméabilité des sols, due à une « bétonisation à outrance », comme l’explique l’expert en catastrophes naturelles, Antonio Aretxabala dans une interview au Monde. Il reste que « le réchauffement de la Méditerranée est de la dynamite », assène-t-il. « Plus les températures augmentent, plus l’atmosphère se charge de vapeur d’eau. Et plus la différence d’énergie entre le pôle Nord et l’équateur se réduit, plus des courants d’air froid ont tendance à se séparer, à divaguer, à onduler et à arriver de plus en plus au sud ». Et de conclure : « ces phénomènes météorologiques extrêmes vont continuer à augmenter en fréquence et en intensité car nous vivons là les conséquences réelles du changement climatique. » Pour rappel, chaque degré en plus augmente l’humidité : canicules et inondations constituent les deux faces du même phénomène. Et lorsque la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère augmente, elle piège davantage de chaleur, contribuant ainsi à augmenter encore plus la température de la planète. C’est un cercle vicieux : plus il fait chaud, plus il y a d’évaporation, augmentant l’humidité de l’air, ce qui augmente à son tour la température. 

Pour reprendre les mots de l’éditorialiste environnement du Monde, Audrey Garric, « il est surprenant d’être surpris » par les événements de Valence. Car ce genre d’événement est attendu : depuis trois décennies, les rapports du GIEC l’ont annoncé. Les dernières années regorgent d’exemples de tels cataclysmes. Rien qu’en septembre et octobre, l’Ardèche a été sous l’eau après l’épisode cévenol le plus intense sur deux jours jamais enregistré, le nord de la France a été inondé par la tempête Kirk, tandis que la tempête Boris faisait 22 morts en Europe centrale. Dans le sud-est des Etats-Unis, les ouragans Helene et Milton ont provoqué plus de 250 morts. Auparavant, le Pas-de-Calais a passé l’hiver les pieds dans l’eau en 2023, l’Allemagne et la Belgique ont enterré près de 230 habitants dans des inondations dantesques en 2021.

En France, nombre de responsables politiques s’émeuvent des inondations, tout en souhaitant assouplir l’objectif de zéro artificialisation nette des sols. Dans un contexte de disette budgétaire, le gouvernement rogne de nouveau sur le fonds vert, qui aide pourtant les communes à s’adapter au réchauffement, sur l’électrification des véhicules et sur MaPrimeRénov’, essentielles à la décarbonation.

« En réalité, ce n’est pas l’écologie qui est punitive, mais les atermoiements et les reculs incessants des politiques écologiques », affirme l’éditorialiste. Si une telle succession de catastrophes se produit alors que la planète s’est « seulement » réchauffée de 1,3 °C, il s’avère douloureux d’imaginer ce qu’il adviendra à + 3 °C au niveau mondial à la fin du siècle et +4° C en France – la trajectoire vers laquelle nous mènent les politiques actuelles, selon le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement –. L’adaptation ne sera alors plus entièrement possible et, prévient le climatologue Christophe Cassou, il faudra « définir qui on sacrifie ».

Le dernier rapport de l’Organisation Météorologique Mondiale, publié il y a deux semaines, est sans appel : en 2023, les concentrations de gaz à effet de serre ont fait un nouveau bond et atteignent un sommet inégalé. Avec une hausse de plus de 10 % en à peine 20 ans, le dioxyde de carbone (CO2) s’accumule dans l’atmosphère plus rapidement que jamais dans l’histoire de l’humanité.

Tout laisse donc à penser que faute de rester dans les clous des Accords de Paris (+1,5°), il va falloir s’adapter… Ce qui nous amène au « plan de la semaine », répondant au doux nom de PNACC3, comme « Plan National d’Adaptation au Changement Climatique numéro 3 ». Cette troisième mouture est basée sur l’hypothèse d’un réchauffement en France de 4° à l’horizon 2100, ce qui constitue « une petite révolution », juge La Croix. Car certes, la France se dote de plans depuis 2012 mais jusqu’à présent, le dépassement des objectifs de l’Accord de Paris n’avait pas été envisagé. « Il est positif de voir que l’on s’adapte à l’évolution tendancielle, note Nicolas Richard, vice-président de France Nature Environnement. Ce plan semble également plus complet et lisible que les précédents ». Dans le détail, ce nouveau plan prévoit 51 mesures, articulé autour de 5 grands axes : protéger les populations ; assurer la résilience des territoires, infrastructures et services essentiels ; celle des activités économiques ; protéger la biodiversité et le patrimoine culturel et accélérer la recherche. Des politiques qui, pour beaucoup, dépendent de l’échelon local. Parmi les principales mesures, la création d’une « Mission adaptation », sorte de guichet unique auquel pourront s’adresser les collectivités pour bénéficier d’un accompagnement des services de l’État, afin d’anticiper les risques climatiques. À partir de 2025, 100 territoires pourront s’y adresser. Plutôt salué par les observateurs, ce PNACC3 souffre néanmoins d’un vice fréquent en matière de transition : son accompagnement financier reste flou. Sur la question du financement, la version préliminaire du plan ne comporte qu’une seule mesure, invitant à “ mieux prendre en compte l’adaptation au changement climatique dans les financements publics ”. “ L’Etat doit montrer l’exemple en ne finançant plus des investissements qui ne sont pas ou mal adaptés ” a ainsi déclaré Michel Barnier. Un engagement probablement insuffisant alors que, comme le rappelait une récente étude de l’Institut pour l’économie climatique (I4CE), les besoins d’investissements en matière d’adaptation climatique se chiffrent en milliards, rappelle de son côté Novethic. Le document est désormais proposé à une consultation publique pour deux mois. Nul doute que la question du financement, ou de son absence, sera abordée.

A propos de financement, la stratégie de la semaine est la SPATFE, autrement dit la Stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique. Et là encore, pour reprendre les mots du Monde, « si la trajectoire globale est précise, les moyens d’y parvenir restent encore à définir ». L’exécutif estime que les investissements publics et privés bas carbone devront encore augmenter « de 110 milliards d’euros par an d’ici 2030 ». En 2023, l’investissement global a été de 109 milliards d’euros. « La réussite de la transition écologique repose sur une réorientation massive des flux de financements et sur une répartition de l’effort financier entre tous les acteurs économiques, peut-on lire dans le document. En hausse marquée depuis cinq ans, les investissements de décarbonation doivent être encore renforcés pour atteindre nos objectifs climatiques. » Très attendu par de nombreuses filières comme la construction automobile ou les énergies renouvelables, ce travail avait été demandé au gouvernement par les parlementaires lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques, en septembre 2023. Il n’engage pas le gouvernement mais un débat devra avoir lieu à l’Assemblée nationale. Concoctée par la direction du Trésor, à Bercy, le secrétariat général à la planification écologique, le ministère de la transition écologique et Matignon, la Spafte se base sur une montée en puissance des investissements privés. Le secteur public a « réalisé 20 % de ses investissements dans des actifs bas carbone, contre 13 % pour le secteur privé (ménages et entreprises) », souligne le rapport en se basant sur les chiffres de 2022. A partir de ce constat, l’exécutif établit ainsi deux scénarios pour tracer les courbes de financement jusqu’en 2027, année de la prochaine élection présidentielle. Si les entreprises et les ménages atteignent 20 % d’investissements verts, le montant pourrait atteindre une hausse de 159 milliards par an. « Ce scénario serait compatible avec l’atteinte de nos objectifs de décarbonation, fixés à + 110 milliards d’euros entre 2021 et 2030 », peut-on lire dans les commentaires. Mais si le secteur privé reste sur la tendance actuelle, l’investissement bas carbone en France ne serait alors que de + 107 milliards en 2027. S’il espère une augmentation très nette de l’investissement privé, le gouvernement mise aussi sur les collectivités locales, qui devraient, selon la Spafte, consacrer entre 15 et 23 milliards aux investissements bas carbones en 2030 alors qu’elles ont dépensé entre 7 et 8 milliards en 2022. Le document prône aussi une baisse des investissements « bruns » qui profitent aux énergies fossiles (encore 74 milliards d’euros en 2022 rien que sur les transports et le bâtiment). « Pour atteindre les objectifs climatiques, il est estimé que les investissements fossiles devront presque être divisés par deux, les véhicules thermiques représentant plus de 80 % de la baisse », affirment les auteurs, sans entrer dans les détails des subventions qui devraient être baissées. Un casse-tête politique. Car ce travail complet, qui s’appuie sur de multiples rapports sérieux, semble faire l’impasse sur les difficultés actuelles de la transition écologique. « En cohérence avec cette stratégie pluriannuelle, le projet de loi de finances pour 2025 consolide le cap écologique impulsé en 2024 », peut-on ainsi lire, alors que de nombreux secteurs subiront les économies globales que le gouvernement va présenter jeudi 10 octobre dans son PLF. Au final, la publication de cette première édition doit être saluée, estime Le Monde, mais elle n’est pas convaincante car, pour mettre en œuvre la planification écologique sans que l’Etat ait à dépenser beaucoup plus, elle compte sur une mobilisation accrue des collectivités, des ménages et des entreprises. Or elle n’explicite pas les politiques publiques qui seront mises en place pour garantir cet investissement accru. Et n’explicite pas non plus combien les collectivités devront investir et comment elles pourront le faire alors qu’il leur est demandé dans le même temps de se désendetter.

Pas avare de « Stratégies », le gouvernement en a présenté deux autres, dans la foulée : la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), toutes deux très attendues depuis des mois également. Ce sont des documents importants, rappelle Le Monde, qui auront des conséquences concrètes sur le quotidien des Français, en matière de transports, de logement ou d’alimentation. Le gouvernement a mis en consultation publique, lundi 4 novembre et jusqu’au 15 décembre, ces deux outils de pilotage de la politique climatique et énergétique du pays : la 3e stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la 3e programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La SNBC porte sur l’horizon 2030, la PPE sur 2035, et toutes deux visent l’atteinte de la neutralité carbone d’ici à 2050. Ces feuilles de route affichent des ambitions élevées, qui souvent relèvent d’une mise en conformité avec les objectifs européens mais, là comme ailleurs, les interrogations restent entières sur la capacité de la France à les tenir. La SNBC trace le chemin vers une baisse des émissions brutes de gaz à effet de serre non plus de 40 % mais de 50 % entre 1990 et 2030, une conséquence de la nouvelle ambition climatique européenne. Les rejets carbonés doivent ainsi être réduits d’environ 5 % par an entre 2022 et 2030, contre 2 % de réduction annuelle en moyenne de 2017 à 2022. Malgré les bons résultats de 2023 (− 5,8 %), la marche est encore haute : la France doit passer de 373 millions de tonnes équivalent CO2 (MtéqCO2), hors importations, en 2023 à 270 MtéqCO2 en 2030.

Quant à la PPE, sur le plan énergétique, l’objectif de la France est de diminuer sa dépendance au charbon, au pétrole et au gaz. La part des énergies fossiles dans la consommation d’énergie finale doit passer de 60 % en 2022 à 42 % en 2030 et à 30 % en 2035. Pour y parvenir, la PPE s’appuie sur deux piliers : la réduction de la consommation d’énergie (avec un objectif de − 28,6 % entre 2012 et 2030), grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétiques, et l’accélération de la production d’énergie décarbonée avec le développement des énergies renouvelables et la relance du nucléaire.

Ces documents seront adoptés par décret et non gravés dans la loi, comme le prévoit pourtant le code de l’énergie, le gouvernement ayant abandonné en avril la loi de programmation énergie-climat. Ils devraient être publiés à la fin du premier trimestre 2025 pour la PPE et au deuxième semestre pour la SNBC, selon le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, cité par Le Monde et compléteront le 3e plan national d’adaptation au changement climatique, présenté le 24 octobre.

Accumuler les textes et stratégies, c’est bien, les appliquer, c’est mieux. D’où notre « interrogation de la semaine », issue de l’interview du Premier Ministre au Journal du Dimanche et qui va quelque peu à l’encontre de ces avalanches de plans ambitieux. De fait, au nom de la « simplification administrative », concept cher au MEDEF, Michel Barnier ne suggère rien moins que de ne pas toujours respecter le droit européen. Michel Barnier évoque ainsi « un dispositif – une forme de moratoire, par exemple – qui puisse reporter de deux ou trois ans la date d’entrée en vigueur de réglementations très lourdes », parlant, dans certains cas, de « normes et des contraintes déraisonnables ». « Cela vaut en particulier pour des textes européens comme la directive CSRD [directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, qui renforce les obligations des entreprises en matière de publication de données sociales et environnementales], dont il convient de réexaminer la portée », poursuit-il, alors que cette loi est applicable depuis le 1er janvier ! Ce qui stupéfie autant Le Monde que Novethic, mais aussi Les Echos. Contacté par Novethic, Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans le droit de l’environnement et de la durabilité, assure pourtant que la proposition tient de l’élément de langage : “ Juridiquement, un moratoire ça ne veut rien dire dans ce contexte, car la France est engagée, et sous le contrôle du juge, elle est obligée transposer les directives et appliquer les règlements européens ” explique-t-il. Sur le plan juridique, il serait donc très complexe, voire impossible, pour le Premier ministre de décaler l’application de la CSRD ou de transformer ses conditions de mise en œuvre, sans se placer en porte à faux vis-à-vis du droit européen et des engagements pris par la France. Alors que la Cour de Justice de l’Union Européenne a lancé il y a quelques jours une procédure contre 17 Etats européens qui n’avaient pas encore transposé la CSRD, l’annonce tombe mal. La proposition serait même “dangereuse”, selon Arnaud Gossement, car elle “ laisse croire aux entreprises qu’elles n’auront peut-être pas à appliquer ces normes, ce qui est impossible. ” En créant de l’incertitude sur le climat juridique, la proposition pourrait amener les acteurs économiques à prendre du retard dans leur mise en conformité, et à se retrouver alors en situation de risque juridique si elles n’ont pas mis en œuvre les mesures adéquates. Nous chez (RE)SET, on accompagne les entreprises dans leur démarche CSRD, pas seulement pour leur éviter des procès, mais surtout pour qu’elles en retirent des bénéfices. Et nous avons une botte secrète, une arme fatale pour ce faire : la mutualisation ! Comme expliqué sur LinkedIn, (RE)SET innove et relève le défi de la CSRD en collectif ! Parce que les entreprises d’un même secteur partagent contraintes et leviers, cette approche doit permettre d’accélérer le travail, en étant plus sharp et plus systématique ! C’est ce que (RE)SET réalise en ce moment avec Pact’Alim, qui regroupe plusieurs associations nationales de référence pour les PME & ETI de l’agroalimentaire.

Dernier exemple – pour cette fois ! – de stratégie complexe et a priori louable mais assortie de moyens incertains, la COP de la semaine, la 16e consacrée à la biodiversité, s’est achevée à Cali « entre échec cuisant sur le financement et avancées notables », pour reprendre le titre de Libération. Très polarisées et techniques, les discussions entre les deux grands blocs des pays du Sud et du Nord n’ont pas permis de trouver un consensus sur la mise en œuvre des ambitieux objectifs de sauvegarde et de restauration de la nature entérinés fin 2022 lors de la COP15 de Montréal, avec l’accord de Kunming-Montréal. La présidente de la COP s’est néanmoins dite « contente du résultat », soulignant quelques réussites, à l’instar du texte adopté sur la cartographie des écosystèmes marins à protéger, du consensus trouvé sur la question du partage des ressources génétiques numérisées – serpent de mer de ces COP – ou encore de la reconnaissance des peuples autochtones dans les négociations des Nations unies sur la biodiversité « qui donne du pouvoir aux gens sur le terrain ». « Les tensions géopolitiques » et le « manque de confiance des parties » ont toutefois empêché les délégués de trancher la cruciale question de la mobilisation des fonds nécessaires pour rendre crédible la feuille de route de Montréal, a-t-elle regretté. Les pays du Sud, et en particulier le groupe Afrique, demandent la création d’un nouveau fonds destiné à recevoir les financements pour sauver la nature, jugeant le fonds multilatéral actuel – le GBFF, géré par le Fonds pour l’environnement mondial (GEF) dont le siège est à Washington – trop difficile d’accès. Le sujet tend particulièrement les pays occidentaux, Union européenne et France en tête, suivis par la Suisse, le Japon ou encore le Canada, qui y voient une perte de temps et de moyens. En 2022, à Montréal, les pays ont convenu de débloquer 700 milliards de dollars par an de financement pour gérer durablement la biodiversité et mettre un terme à la destruction des écosystèmes et des espèces, en commençant par 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030. Dans ce cadre, les pays riches ont promis de verser 20 milliards de dollars par an d’aide au développement aux pays pauvres d’ici à 2025. Mais selon un rapport de la Banque mondiale datant de 2023, les pays dépensent collectivement environ 1 250 milliards de dollars par an dans l’exploitation des combustibles fossiles, l’agriculture et la pêche et « nuisent » ainsi « aux populations, à la planète et aux économies ». Les pays à la biodiversité la plus riche sont également ceux les moins développés et les plus endettés. Or, ces derniers sont aussi les plus touchés par les conséquences du réchauffement climatique et doivent donc emprunter davantage pour s’adapter, ce qui diminue leur marge de manœuvre pour investir dans la conservation de la nature. Un « cercle vicieux » mis en lumière par un groupe d’experts indépendants en octobre.

« Malgré des retrouvailles compliquées par une solidarité internationale en berne, plusieurs accords ont été trouvés à la COP16 de Cali. Et ce, même si de nombreux pays doivent encore présenter leur plan pour protéger la biodiversité et que les négociations joueront les prolongations pour aboutir à un accord sur le financement, résume Arnaud Gilles, responsable négociations internationales au WWF France, cité par Libération. C’est un petit pas pour la nature, mais c’est un pas en avant… et c’est déjà ça. »

Le « on progresse » de la semaine, car il y a aussi de bonnes nouvelles, nous transporte au rayon des fruits. Le Figaro explique ainsi « pourquoi Intermarché ne proposera pas de fraises et cerises à Noël » : de fait, Le groupement des Mousquetaires a décidé d’arrêter l’approvisionnement de ses magasins en ces deux fruits de décembre à janvier « pour inciter les Français à manger des fruits de saison ». Les consommateurs pourront retrouver les premières fraises françaises dans ses rayons à partir de février. « C’est une impulsion, explique Thierry Cotillard, le président du groupement des Mousquetaires (Intermarché, Netto, Bricomarché). Manger des fruits de saison et éviter d’importer des produits depuis l’autre bout du monde, cela soutient la ferme France et améliore le bilan carbone. » La mesure est avant tout symbolique : la vente de cerises et fraises représente 1% du chiffre d’affaires du distributeur dont l’approvisionnement annuel de fruits et légumes étrangers est d’environ 30%. Mais le Groupement pourrait élargir cette initiative à « d’autres produits à forte saisonnalité dans les années à venir », en fonction des résultats. Cette mesure s’inscrit dans une stratégie plus large du troisième distributeur alimentaire de soutien à la souveraineté alimentaire tricolore, « l’objectif étant d’augmenter la demande des consommateurs » pour les fruits et légumes de saison et « d’inciter au principe de préférence aux productions françaises. » Pour ce faire, Intermarché prévoit de travailler avec 20.000 producteurs locaux d’ici 3 ans contre 10.000 aujourd’hui et de lancer un label « Intermarché Terroir ».

Le deuxième « on progresse de la semaine » (!) concerne lui le secteur des assurances. La compagnie d’assurance italienne Generali a mis à jour sa politique environnementale et annoncé qu’elle ne fournirait plus de couverture d’assurance aux projets pétroliers et gaziers dans toute la chaîne de valeur. Une première dans le monde de l’assurance, assure Novethic. Generali avait déjà décidé de ne plus assurer les activités d’exploration et d’exploitation de champs pétroliers et gaziers. Elle exclut désormais aussi les activités en aval de la chaîne de valeur, telles que le transport, le raffinage ou la distribution. Une décision saluée par la coalition Insure our future qui souligne que Generali est le premier assureur au monde à adopter une politique couvrant toute la chaîne de valeur du pétrole et du gaz. Ces engagements concernent aussi les terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). Un engagement particulièrement important alors que les producteurs de GNL prévoient de tripler leur production mondiale, selon Insure our future. La guerre en Ukraine avait en effet donné un coup d’accélérateur à la demande mondiale, et notamment européenne, du fait des politiques de sanctions contre le gaz russe. Generali limite cependant ses exclusions aux entreprises jugées retardataires dans leur transition. Celles-ci ne s’appliquent pas si « ces clients ont mis en place des stratégies de transition énergétique efficaces visant à atteindre un objectif de neutralité ».

Le « rapport de la semaine » nous vient de l’association « Actionnaires pour le climat », qui révèle que 71 des 120 sociétés cotées au SBF 120 sont en infraction totale ou partielle avec leurs obligations d’information sur leurs émissions de gaz à effet de serre. Dans sa présentation du rapport, Libération rappelle que depuis le début de la décennie précédente, les grandes entreprises cotées à la Bourse de Paris ont l’obligation de publier, tous les quatre ans, leur bilan d’émission de gaz à effet de serre (Beges). C’est prévu par le code de l’environnement, dont certaines dispositions ont été renforcées l’année dernière avec l’adoption par le Parlement de la loi relative à l’industrie verte. Dans l’optique du premier anniversaire de la promulgation de cette loi, le 23 octobre, l’association Actionnaires pour le climat vient de réaliser une étude pour vérifier si les 120 sociétés cotées respectaient bien leurs obligations. Et, au vu du résultat, le compte n’est pas bon : seulement 49 entreprises sont dans la légalité et ont publié un Beges depuis moins de quatre ans. Les autres, 71 donc, sont dans l’illégalité totale ou partielle. Et parmi ces dernières, figurent quelques grands noms : Capgemini, Société générale, Vinci, Kering, LVMH, Carrefour, BNP Paribas, Veolia, Sodexo… « Chaque année ou presque, le gouvernement fait passer une nouvelle loi “verte” et communique sur les efforts réalisés par les entreprises pour rassurer les gens. Nous, nous avons voulu savoir si les dispositions déjà en vigueur étaient respectées », explique à Libération Pierre Janot, conseiller régional (apparenté Les Ecologistes) en Auvergne-Rhône-Alpes et responsable de l’association Actionnaires pour le climat. Les entreprises font certes des efforts, mais qui ne sont pas à la hauteur des enjeux », conclue-t-il. Chez (RE)SET, pas de problème, on peut les aider et pas seulement sur le diagnostic mais sur l’essentiel : les plans d’action pour améliorer tout en créant de la valeur.

Les « dommage collatéraux » de la semaine concernent les éoliennes : la Suède vient d’annuler treize projets éoliens en mer Baltique pour des raisons de défense nationale, explique Le Monde. Le ministre de la Défense suédois a expliqué que la réalisation de ces projets aurait multiplié par deux le délai de détection d’une attaque du pays par des missiles, aériens ou sous-marins, lequel serait passé d’une à deux minutes : les tours et les pales rotatives des éoliennes émettent des échos radar et produisent d’autres interférences, en particulier sous l’eau ! De quoi mettre en péril l’efficacité de la surveillance maritime suédoise, semble-t-il. Le ministre a ajouté que la relative proximité de l’enclave russe « hautement militarisée » de Kaliningrad avait été « un élément central » dans la décision prise par le gouvernement.

Le chiffre de la semaine est 186,5. Comme le nombre de kilos de déchets d’emballage produits en moyenne en 2022 par chacun(e) d’entre nous dans l’Union Européenne, selon le dernier rapport publié par Eurostat. Avec une forte amplitude entre les États membres : l’Irlande, avec 233,8 kg par personne, produit trois fois plus de déchets que la Bulgarie (78,8 kg). Par rapport à 2021, le volume total a baissé de 3,6 kg par habitant (–1,9%) mais, en onze ans, il a grimpé de 31,7 kg (+20,5%). La réduction constatée en 2022 est cependant la première enregistrée sur la période. Le taux de recyclage global, lui, est stable, à 65,4%. Ces déchets sont constitués à 40,8% de papier et de carton (34 millions de tonnes), à 19,4% de plastique (16,1 millions de tonnes), à 18,8% de verre (15,7 millions de tonnes), à 16% de bois et à 4,9% de métal. Autrement dit, pour les seuls plastiques, en 2022, chaque habitant a généré 36,1 kg de déchets d’emballages, dont 14,7 kg ont été recyclés (40,7%). Depuis 2012, l’augmentation de cette quantité s’élève à 7,6 kg par personne (+27%) et, pour le recyclage, à 4 kg. Le taux de traitement a donc progressé de 3,2 points. Par pays, la Slovaquie affiche le taux de recyclage des déchets plastique le plus élevé, à 60%, devant la Belgique (54%), l’Allemagne et la Slovénie (51% chacune). À l’opposé, les mauvais élèves sont Malte (16%), le Danemark (23%), la France et l’Autriche (25% chacune).

La devinette de notre précédente édition était liée au thème de la « watture ». Mais la réponse « une voiture » était insuffisante. Car celle-ci a une particularité intéressante : à l’inverse des SUV honnis par l’ADEME, celle-ci est la voiture électrique la plus légère du monde : 740 kilos, toute mouillée.

La devinette de cette semaine est liée au premier sujet évoqué dans cette Breaking (RE)NEWS – c’est l’indice. Qui a posté sur X (ex-Twitter) ce petit écureuil « starwarisé » et pourquoi… ? Il est accompagné d’une citation d’Obi Wan Kanobi : « If you strike me down, I will become more powerful than you can possibly imagine ». Le lien est ténu avec nos sujets, on vous l’accorde.

Bonnes lectures et bon week-end !

[Pour rappel, (RE)SET, fondé en 2019, est le premier cabinet de conseil indépendant dédié à la transition économique et environnementale et taillé pour l’action. « (RE)SET : resources to win environmental and economic battles ! » Forcément partielle, parfois partiale, toujours engagée, cette revue des médias au ton souvent enlevé, voire impertinent, n’engage aucunement (RE)SET et a fortiori moins encore Julhiet Sterwen dans ses activités de conseil mais elle brosse un portrait que nous estimons intéressant de l’état de la transition telle qu’elle transparaît dans la presse et les travaux de recherche. Une photographie du débat, des forces en présence, des oppositions, des convergences, que nous espérons utile à vos décisions et à la construction de vos stratégies de transition.]

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